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Frachet
3 septembre 2021

Raphaël Confiant, La muse ténébreuse de Charles Baudelaire

Référence  : Raphaël confiant, La muse ténébreuse de Charles Baudelaire, édition de Minuit, 272 pages, septembre 2021

           

« J’eusse aimé vivre auprès d’une jeune géante, comme aux pieds d’une reine un chat voluptueux. » Charles Baudelaire

Jeanne Duval apparaît en couverture, photographiée par Nadar en 1858, et son regard nous transmet une douceur indéfinissable. Quelque chose aussi de déterminé qui cache sans doute une grande volonté de celle qui sait ce qu'elle veut.

Jeanne Duval, la "Malabaraise" l’appelait Baudelaire. Pour la postérité, le nom de Jeanne Duval reste lié à celui de Charles Baudelaire. Difficile à cerner la créole, entre comédienne et fille de joie, tour à tour muse et diablesse, son influence sur le poète fut contrastée, enchantant sa plume ou l’enchaînant à la passion par sa sensualité et son exotisme qui ajoutait à son mystère. On ne sait d’où elle vient son égérie et elle n’a jamais révélé à quiconque (pas même à Baudelaire) son lieu de naissance. Son poème intitulé À une Malabaraise n’est donc en aucun cas une piste sérieuse pour résoudre cette énigme.

         

Elle ne manquait pas de personnalité, bien qu'elle ne possédât aucun don artistique et qu'elle fût cantonnée à des rôles de soubrette ou de sorcière africaine dans des théâtres miteux du Faubourg Saint-Denis. Avec elle, il découvrit un monde aussi exaltant que celui du chanvre indien ou de l’opium dont il faisait une consommation excessive.

À travers leur histoire, on suit l’itinéraire de Baudelaire des rues médiévales de l’île Saint-Louis aux rivages de l’île de La Réunion, de Saint-Domingue devenue Haïti à la Belgique. On y rencontre beaucoup des grands artistes du XIXe siècle, Nadar, Dumas, Lamartine, Flaubert, Manet, Delacroix, Nerval, Gautier, et bien d’autres…

         

Leur vie ne fut pas simple, ne serait-ce qu'à cause de l'hostilité de la mère de Baudelaire et de son beau-père le général Aupick qui finirent par lui couper les vivres, ce qui l'obligea à déménager très souvent pour fuir ses créanciers. Et Jeanne parvint malgré tout à tenir son amant sous son emprise pendant presque vingt ans. 

Entre disputes violentes et réconciliations grandioses, tromperies réciproques, recherche d’un absolu sans concessions, ils furent un des couples les plus fêtés du microcosme artistique parisien, fréquentant les cafés où  ils se retrouvaient en compagnie de peintres et d’écrivains. Femme secrète aux identités multiples, elle s’évapora dans la nature une fois la rupture consommée, disparaissant comme si elle avait voulu tourner la page et occulter cette partie de sa vie.

                   

C’est cette relation torride entre eux que nous raconte Raphaël Confiant dans cette biographie souvent émaillée de vers de Baudelaire. Au fil des pages, on découvre les arcanes de leur passion qui fut pour le poète aussi féconde que frustrante.

                   

A une Malabaraise

Tes pieds sont aussi fins que tes mains, et ta hanche
Est Large à faire envie à la plus belle blanche ;
A l'artiste pensif ton corps est doux et cher ;
Tes grands yeux de velours sont plus noirs que ta chair.

Tout le jour, où tu veux, tu mènes tes pieds nus
Et fredonnes tout bas de vieux airs inconnus ;
Et quand descend le soir au manteau d'écarlate,
Tu poses doucement ton corps sur une natte,
Où tes rêves flottants sont pleins de colibris,
Et toujours, comme toi, gracieux et fleuris.

                       

Voir aussi
Raphaël Confiant, Grand café Martiniquais -- Sur la guerre d’Algérie --
Maryse Condé, Le coeur à rire et à pleurer -- Bio d'Aimé Césaire --
Patrick Chamoiseau, Texaco -- Derek Alton Walcott --  VS. Naipaul --
Panorama de son oeuvre --

Voir sur Baudelaire :
Jean Teulé, Crénom, Baudelaire -- Baudelaire Le mal aimé --

Antoine Compagnon, Un été avec Baudelaire -- Charles Baudelaire, Une jeunesse --

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