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Frachet
3 septembre 2021

Philippe Jaenada, Au printemps des monstres

Référence : Philippe Jaenada, Au printemps des monstres, Éditions Mialet-Barrault, 749 pages, août 2021

           

Comme dans ses précédents livres sur des faits divers célèbres, La Petite Femelle à propos de l'affaire Pauline Dubuisson en 1951, et La Serpe, prix Fémina 2017, sur le triple meurtre d'Escoire en Dordogne en 1941, le romancier nous conduit dans les arcanes de l’enquête en profondeur qu’il a menée et les difficultés rencontrées pour lever les voiles de cette ténébreuse histoire.

           

Philippe Jaenada consacre plus de 700 pages pour disséquer les faits de cette histoire qui défraya la critique de cette époque et savoir qui a vraiment tué le petit Luc Taron dans la nuit du 26 au 27 mai 1964 ? Il nous embarque ainsi dans un milieu interlope, dans les mensonges et les contradictions.

                     

Le lendemain, son corps est retrouvé dans une forêt, tué sans raison apparente. Pendant plus d'un mois, un détraqué inonde la police et  les médias de folles revendications signées "L'Étrangleur" où il donne des détails troublants sur la mort de l'enfant. Il envoie aussi  aux parents de l'enfant des textes insupportables.

    Le petit Luc Taron

Quand il est arrêté le 4 juillet, on constate qu’il s’agit d’un jeune homme assez banal, un infirmier nommé Lucien Léger. Il avoue le meurtre sans réticence puis se rétracte un an plus tard. En 1966, il est condamné à la prison à vie et restera finalement 41 ans en prison sans jamais cesser de clamer son innocence.
Voilà pour le déroulé de la réalité et le scénario officiel.

                       

Pourtant, Philippe Jaeneda va passer quatre ans à travailler sur le sujet… et s’apercevoir que tout est loin d’être limpide, trouvant même que beaucoup de choses sont troubles et même factices. Trop de mensonges, de truquages, de tricheries.  Finement, quelques sont vraiment les monstres dans cette affaire, celui qu’on voue au pilori ou des pervers qui avancent masqués. Seule la figure limpide de Solange, la femme de Lucien Léger, ressort de cette ambiante nauséeuse.

           
                                                   Lucien Léger en juillet 1964 et en septembre 2005

À travers ce fait divers particulier, Philippe Jaenada dresse le portrait de la société française des années 60, encore marquée par la deuxième guerre mondiale malgré l'essor économique, dont les apparences sont trompeuses. Il met l'accent sur ces avocats de grande renommée nationale plus préoccupés d'eux-mêmes que de vérité, ces enquêteurs qui ne prennent en compte que les éléments à charge.

Il souligne la médiocrité de tous les acteurs, justice, médias, police, gendarmerie et même l'opinion publique, qui sont bien les révélateurs d’une société surtout préoccupée de prospérité et de profiter de la vie. Ce qui n'est en définitive qu'un fait divers au retentissement considérable permet d'examiner cette époque comme une espèce de miroir sociétal, où le fonctionnement de la société française au temps du général de Gaulle est marqué au sceau de l'hypocrisie.

                     

Voir aussi mon fichier
Philippe Jaenada, La Serpe --

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