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Frachet
27 août 2018

Maryse Condé, Le cœur à rire et à pleurer

Référence : Maryse Condé, "Le cœur à rire et à pleurer", éditions Robert Laffont, 136 pages, 1999

Contes vrais de mon enfance

« Ce que l’intelligence nous rend sous le nom de passé n’est pas lui. »
Marcel Proust  "Contre Sainte-Beuve"

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                                                                                                      Marise Condé en 1986

L’île de la Guadeloupe dans les années cinquante : la société est encore très hiérarchisée, dominée par une triple strate : les Blancs, les métisses et les Noirs.  Il est très mal vu de parler créole (ça fait "peuple", "pauvre nègre"), il est bien vu par contre d’avoir une bonne instruction, une belle culture. On respecte les codes et les interdits, pas d’étalage de sentiments en public, secret sur les difficultés personnelles ou familiales. Par exemple, sa mère sera consternée par le divorce de sa fille aînée Émilia et surtout qu’on en parla, qu’on se permît de venir la réconforter.

Maryse est la petite dernière d’une fratrie de huit enfants, surveillée par sa mère et sa sœur Thérèse, soutenue par son frère Sandrino, boudeuse, imprévisible, trop franche et trop critique, qui se retire dans son imaginaire, en un mot… impossible.

La jeune Maryse est une rebelle qui s’oppose à un père timoré, à une mère qui ne lui passe rien mais peu à peu en se frottant à la vie, elle va se patiner, devenir plus indulgente, penser à son enfance avec une certaine nostalgie. Elle retrouvera cette mère qui tout à la fois l’attire et la rejette lors d’une dernière nuit où « roulée en boule contre son flanc, dans son odeur d’âge et d’arnica, dans sa chaleur », elle parviendra enfin à la rejoindre. 

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Sa faconde, son naturel à dire crûment les choses, à ne pas transiger avec la vérité lui jouèrent souvent des tours. Par exemple, juger sans concession Yvelise sa meilleure amie, dans une rédaction, lui valut une réprobation générale, faire un portrait toujours sans concession de sa mère, censé être un hommage pour son anniversaire, dire également qu’Amélie Linsseuil représentait son « idéal de beauté », elle si belle, si blanche aussi et si blonde, déplut fortement à sa mère (et à toute la famille) qui lui reprocha son parti pris pour les Blancs, elle qui défendait le « Black is beautiful ».

Son frère Sandrino lui disait que leurs parents étaient « un couple d’aliéné ». Maryse n’avait pas compris ce que voulait dire son frère mais n’osa le lui demander. Après mûre réflexion, elle pensa qu’être aliéné devait concerner « une personne qui cherche à être ce qu’elle ne peut pas être parce qu’elle n’aime pas être ce qu’elle est. » Ses parents étaient écartelés entre un héritage africain qu’ils voulaient ignorer et la culture française. Mais en même temps, ils éprouvaient une grande fierté de la couleur de leur peau.

Maryse trouvait maintenant ses parents « jamais naturels… s’efforçant de contrôler quelque chose de tapi à l’intérieur d’eux-mêmes ». C’était sans doute cette double personnalité qui les rendait « aliénés » comme disait son frère.  Elle se sentait « peau noire, masque blanc » et, après la lecture de Joseph Zobel, elle n’allait pas tarder à découvrir les écrits de Frantz Fanon.

Voir aussi
*
Mariana Ionescu, "Histoire de la femme cannibale : du collage à l'autofiction", Nouvelles études francophones, volume 22, pages 155-169, 2007
** Le cœur à rire et à pleurer, autobiographie, 1999
*** Les belles ténébreuses --
**** Histoire de la femme cannibale --
***** Bibliographie
de Maryse Condé --

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