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Frachet
4 septembre 2021

Philippe Djian, Double Nelson

Référence : Philippe Djian, Double Nelson, éditions Flammarion, 256 pages, août 2021

Double Nelson : l’amour-commando

         

« Dans ce magnifique roman des victoires à la Pyrrhus et des défaites inévitables, Michèle apporte une touche d’humanité étrange, comique et touchante à la fois. » L'OBS

Un « double Nelson », c’est une prise de soumission au catch, qui implique l'abandon de l’adversaire. Mais on peut aussi appliquer cette image à la relation amoureuse quand elle est un combat aboutissant à un vainqueur et un vaincu.

Le roman commence par une séparation. Luc et Édith ont vécu quelques mois de passion amour intense. Mais Édith exerce un métier peu commun : elle est membre des forces spéciales d’intervention de l’armée, ce qui fait qu’elle n’a guère de vie privée, un métier incompatible avec leur relation.

    Djian et son ami Stephan Eicher

Le temps passe , seulement voilà, Édith va réapparaître dans la vie de Luc, se réfugier auprès de lui après une opération manquée… et bouleverser sa vie. Les voilà au pied du mur et ils devront bon gré mal gré réapprendre la vie à deux, à s’apprivoiser, surtout qu’autour d’eux, ils doivent faire face à la menace de mercenaires qui la recherchent et vivre dans le danger permanent.
Voilà pour la trame où la passion se mue en cohabitation forcée avec un arrière-goût de confinement… un Philippe Djian mené tambour battant dans une ambiance échevelée et drolatique.

                   

« Se fixer des buts dans la vie, c’est s’entortiller dans des chaînes. » 37°2 le matin

Des thèmes assez classiques chez Djian, le déclin inéluctable de la vie amoureuse, Luc un écrivain qui doute, a peur de ne pas retrouver l’inspiration ou au moins d’écrire assez de pages pour donner satisfaction à son éditeur, on passe à une histoire qui se rapproche du roman de gare mêlé de prise d’otages et de poursuites...

                   
La série Doggy bag                   Impardonnables                    Maudit manège

Une histoire digne d’un scénario de film américain, ce qui nous rappelle un certain Philippe Djian de bien des années en arrière. Une histoire rocambolesque et un brin picaresque au détriment de sa vraisemblance, qui nous entraîne dans des évènements à rebondissements qui peuvent laisser le lecteur assez froid... et assez sceptique sur la cohérence du scénario. Mais Djian n'a-t-il pas écrit : « N'importe quel crétin est capable de raconter une histoire. La seule affaire est une affaire de rythme, de couleur, de sonorité. ».

À ce propos, dans un entretien avec David Desvérité [1] en 2016, il précisait : « J’ai essayé de me débarrasser de tous les poids que je pouvais trimballer. Ça devient de plus en plus épuré, plus léger. C’est un travail de longue haleine. Je ne suis pas un coureur de sprint, j’avance lentement, je travaille sur la longueur. J’essaie de m’améliorer. »

                   

Cet acte de foi est en quelque sorte sa signature, déjà entre 1994 et 1998, pour sa trilogie contenant Assassins, Criminels et Sainte Bob, un critique notait alors un récit pas forcément convaincant, des rebondissements pas vraiment pertinents mais par contre un style direct et nerveux, « nerf de la guerre de l’écrivain » qui possède l’art des phrases qui claquent et deviennent pour certaines de vraies maximes. [2]

On pourrait prendre d'autres exemples comme Maudit manège où un autre critique note « beaucoup d'aventures-anecdotes peu vraisemblables ou sans grand intérêt telles le chargement d'une moquette sur une voiture ou l'achat d'une gaufre par un gamin. »
Il possède un style assez cinématographique bien adapté à l'écriture cadrée d'un scénario, avec ses phrases courtes et ciblées, un phrasé tout à la fois épuré et imagé.

Ceci dit, ce roman est dans d’ensemble moins pessimiste que d’habitude, au style un peu moins appuyé, plus apaisé en quelque sorte. Nous verrons dans ses futurs romans si Philippe Djian continue àcette perspective et s'il va évoluer vers un univers plus serein.

Notes et références
[1] Voir sa biographie intitulée "Philippe Djian, En marges", éditions Le Castor Astral
[2] Trois phrases prises au hasard :
* « Plus une décision est stupide, plus elle est facile à prendre.  » Sainte Bob

* « 
Éviter le maximum de casse dans sa porcelaine intérieure » Vengeances 
* « La passion c’est ce qui fait briller les choses. » Zone Érogène

Voir mes fiches sur Philippe Djian :
Vers chez les blancs -- Double Nelson --
2030" -- Chéri-Chéri -- Sotos -- Dispersez-vous, ralliez-vous --
"Les inéquitables" -- "Oh" (prix Interallié 2012) -- "À l’aube" -- "Impuretés" --

Voir aussi
Chroniques de Philippe Djian --

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