Michel Quint Une ombre, sans doute
Référence : Michel Quint, Une ombre, sans doute, éditions Gallimard, 256 pages, octobre 2006, éditions Folio, 2009
« Peut-être la littérature n'est rien d'autre que cela, un destin lu à rebours, corrigé, cette invention de soi qui devient la seule réalité. »
George (sans "s", s'il vous plaît), apprenant le décès de ses parents Paul et Valentine à quelques jours d'intervalle, revient dans son village natal de Crécy-en-Artois dans le Pas-de-Calais. Agé d'une soixantaine d'années, « J'ai cinquante-neuf ans depuis peu et je ne sais plus qui je suis. Sinon le roman d'inconnus en quête d'auteur. »
Il a jusque-là en tant qu'architecte industriel, parcouru le monde.
George va ainsi être confronté à son passé, remonter le temps, recomposer des morceaux d'existence qui ont beaucoup de mal à s'emboîter et réveillent les fantômes du souvenir.
L'employé de la mairie où il se rend pour la succession de ses parents, constate que son prénom ne correspond pas à celui indiqué sur les documents officiels (George (sans "s"). C'est ainsi qu'il part en quête de témoins susceptibles de prouver son identité.
Il va être troublé par les dires d'Antonia, ancienne employée travaillant dans l'atelier de couture de sa mère, ainsi qu'à ceux de Nadine, la fille du garde-barrière qu'il connaît depuis l'enfance et à qui il écrivait des poèmes.
Voilà le passé qui refait surface au temps de l'Occupation, un passé constitué d'histoires de jalousie et de trahison. Mais les souvenirs d'Antonia peuvent aussi virer aux affabulations et ceux de George dus parfois à son imagination débordante, « je me force à commencer mon inventaire par mes propres trésors d'enfance... Vérifier mes promesses de l'aube, surtout celles que j'ai trahies. »
« Devant l'apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute... » Robert Desnos, "J'ai tant rêvé de toi", Poèmes À la mystérieuse, Corps et biens
C'est un récit quelque peu confus diront certains, en particulier parce qu'il y a beaucoup de retours-arrière qui brouillent la chronologie et qu'on se perd un peu dans tous les événements qui ont marqué le siècle : la crise de Suez, le génocide Rwandais, les guerres civiles d'Amérique du Sud , la guerre anglo-irlandaise, les guerres et révoltes d'Afrique... et d'ailleurs.
Parmi les tableaux les plus réussis, on peut citer l'atelier de couture et l'ambiance qui y règne, fort bien restitués, « j'entends aussi l'aiguille piquer nerveusement les tissus, le tac-tac du moteur bidouillé par mon père sur l'engin à pédalier » ainsi que l'évocation de la guerre d'Espagne à travers le destin de Rob dans les Brigades Internationales, Rob, l’espion tombé fou amoureux de Valentine, la rencontre entre l'Anglais Rob et l'Allemand Rainer semant le trouble et la désolation.
L’auteur nous présente un héros difficile à saisir, plutôt tortueux, à travers son passé, qui n’hésite pas à montrer ses faiblesses, à faire ressortir sa part d’ombre pour être confronté à sa propre réalité.
Rappel de mes fiches :