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Frachet
3 septembre 2022

Relations entre Voltaire et Rousseau

VOLTAIRE (1694-1778) et ROUSSEAU (1712-1778)

Voltaire et Rousseau
. Belle tête d’affiche des deux philosophes génies du Siècle des Lumières. Voltaire avait un côté mondain (qui déplaisait souverainement à Rousseau) très à l’aise en société, correspondant avec des souverains comme Frédéric II de Prusse ou Catherine II de Russie, tandis que Rousseau avait un côté misanthrope et solitaire, guetté par la folie de la persécution, fier de se présenter comme pauvre et roturier.


         
   François-Marie Arouet et Jean-Jacques Rousseau

VOLTAIRE (1694-1778)

Johann Wolfgang von Goethe (1749-1832) sera très dur avec Voltaire, disant : « Avec Voltaire, c’est un monde qui finit. Avec Rousseau, c’est un monde qui commence. »
Sans doute parce que Voltaire représente le XVIIIe siècle, celui de la raison, fait d’humanité, d’universel, de défense des libertés et des droits formels, et Rousseau le siècle des passions, la foi dans l’égalité, la fraternité, le civisme et les droits réels.


Voltaire par Pigalle

« Oh ! Le bon temps que ce siècle de fer ! » s’exclamera Voltaire dans cette formule paradoxale. Contre Rousseau, à l’image de l’heureux Montesquieu et de l’optimiste Diderot, Voltaire exprime ainsi la joie qu’il éprouve à vivre dans son époque : « Le paradis terrestre est où je suis. » Vraie profession de foi. Il le dit en homme qui connaît la vie, un brin provocateur sans doute dans cette formule, « le superflu, chose très nécessaire », content de lui et de ces temps qui ne lui sont pas toujours favorables, « ce temps profane est tout fait pour mes mœurs. »

Bien sûr, cet homme qui ne tient guère en place, volontiers querelleur, n’est pas tendre avec ses semblables ni avec la royauté vieillissante, porté à partir à l’assaut de l’injustice et l’intolérance religieuse, dénonçant, s’engageant dans les affaires Calas, La Barre ou Montbailli.

               
François-Marie Arouet et Jean-Jacques Rousseau âgés

Jean-Jacques ROUSSEAU (1712-1778)

Une phrase résume bien la philosophie de Rousseau : « La nature a fait l’homme heureux et bon, mais […] la société le déprave et le rend misérable. »

Elle illustre parfaitement l’ensemble de son œuvre, qu’elle soit politique, religieuse ou romanesque. On en trouve des exemples en 1750 dans le Discours sur les sciences et les arts : « Nos âmes se sont corrompues à mesure que nos sciences et nos arts se sont avancés à la perfection. » Puis dans sa Lettre à d’Alembert sur les spectacles en 1758 où il souligne les dangers du théâtre, y compris Molière, « école de mauvaises mœurs » écrit-il.

           
Louise d'Epinay L'Hermitage             Rousseau et Le Contrat social

Ses positions, Rousseau va les traduire dans un roman qui sera l’un des gros succès du siècle (au moins 70 éditions au total), portant aux nues la nature, la vertu et la passion et intitulé Julie ou la Nouvelle Héloïse paru en 1761.

Il ne cesse de dénoncer  le progrès technique factice qui fonde la civilisation des Lumières. Il se met à dos les autres philosophes qui aiment le théâtre et les spectacles, les salons et les cafés, des optimistes, des « Candide », parangons de la culture française, qui ont foi dans les progrès de la civilisation.

Il poussera cette démonstration jusqu'à écrire : « J’ose presque assurer que l’état de réflexion est un état contre nature et que l’homme qui médite est un animal dépravé. » Il se l'appliquera à lui-même, écrivant dans une lettre à Voltaire en 1755 : « Quant à moi, si j’avais suivi ma première vocation et que je n’eusse ni lu ni écrit, j’en aurais sans doute été plus heureux.  »

                  
Rousseau aux Charmettes (1736-42)         Maison de Rousseau à Môtiers-Travers en Suisse

Voltaire et Rousseau : échanges épistolaires

C'est Rousseau, avec son texte Le Discours sur l’inégalité paru en 1755, qui va mettre le feu aux poudres avec cette idée centrale : c'est la société basée sur la propriété qui porte la responsabilité de l'inégalité et de la corruption des hommes. Pour Rousseau, l'homme fait lui-même son malheur, la propriété et l'appât du gain conspirent contre sa vraie nature. Faute de prendre conscience qu'il doit revenir à l'innocence primitive, il courra immanquablement à sa perte.
C'est une provocation lancée à ce "siècle de Lumières", comme on le nommera, qui repose d'abord sur l'idée de raison.

[Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755)]

La réaction de Voltaire sera à la hauteur de son ressentiment : « J’ai reçu, Monsieur, votre nouveau livre contre le genre humain […] On n’a jamais employé tant d’esprit à vouloir nous rendre bêtes. Il prend envie de marcher à quatre pattes, quand on lit votre ouvrage. »
[Voltaire, Lettre à Jean-Jacques Rousseau, 1755, Correspondance]

Rousseau lui écrira en juin 1760 une lettre avec cette phrase : « Je ne vous aime point, Monsieur », formalisant ainsi ce que Voltaire pensait aussi de Rousseau. Témoin ce texte datant de 1766 où Voltaire se défoule sans façon : «
Cet ennemi du genre humain... Ce charlatan trompeur en vain, changeant cent fois son Mithridate ; Ce basset hargneux et mutin, Bâtard du chien de Diogène, mordant également la main ou qui le fesse, ou qui l’enchaîne, Ou qui lui présente du pain. »

               

Voilà qui ne va pas améliorer leur relation. Dans ce texte qui annonce le Contrat social, Rousseau pourfend sans ambages la propriété. Robespierre en fera d’ailleurs son livre de chevet. Il réagira violemment aux propos de Voltaire, disant à son ami Moultou : « Je le haïrais davantage, si je le méprisais moins. »
Il aurait même ajouté en juin 1778 à la mort de Voltaire :

« Plus bel esprit que grand génie,  Sans loi, sans mœurs et sans vertu,
Il est mort comme il a vécu, Couvert de gloire et d’infamie. »

Ce quatrain attribué à Rousseau est peut-être apocryphe, mais il traduit bien son état d’esprit à l’égard du patriarche de Fernay.

             
Dispute Voltaire-Rousseau gravure anonyme

Mais Rousseau ne l’emporta ni au paradis ni en enfer puisqu’il mourut deux mois plus tard à Ermenonville. Ils se rejoindront quand même quand la Révolution décidera de transférer leur dépouille au Panthéon, « réconciliés » sous l’égide de la république.

Voir aussi :
Document utilisé pour la rédaction de l’article Rousseau aux Pâquis à Genève, Rousseau à Lyon et à Chambéry --
Document utilisé pour la rédaction de l’article Roger-Pol Droit -- Voltaires, Les Délices -- Rousseau, Larousse --
Document utilisé pour la rédaction de l’article
► 2012, année Rousseau
-- * Leur opposition -- Site-Magister --

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