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Frachet
20 juin 2022

Duras, Moderato cantabile

                        

Ça commence comme un roman policier, un meurtre dans un café. À l’étage au-dessus, Anne Desbaresdes accompagne son fils à sa leçon de piano mais le garçon rechigne à jouer la sonatine de Diabelli, [1] refusant de jouer "moderato cantabile". [2]
Dans ce café, elle fait la connaissance d'un nommé Chauvin avec qui elle parle de du crime passionnel qui a endeuillé le lieu, dont ils ignorent tout. Rencontres curieuses entre Anne la jeune bourgeoise et Chauvin, un ancien employé de son mari, ponctuées de verres de vin pour tuer leur ennui et leur solitude. 



Une centaine de pages pour huit chapitres. Un grand livre pour un petit poids.
Pendant la leçon de piano, « dans la rue, en bas de l'immeuble, un cri de femme retentit. » Dans l'arrière-salle, une femme git par terre, un homme, couché sur elle, l'appelle doucement. Dans les semaines suivantes, Anne et Chauvin discutent inlassablement du crime. Chauvin connaît des bribes de la vie d'Anne et aime qu'elle évoque sa vie.

Point d'orgue du roman : Anne organise un grand dîner mondain où elle arrive en retard et visiblement ivre. On sait peu de chose de la réception, sinon qu'on y a servi du saumon à la sauce verte et du canard à l'orange, le tout, succulents.
Suivra une dernière rencontre entre Anne et Chauvin qui se termine par un petit baiser.

Le livre s'inscrit dans le cadre de ce qu'on a appelé le Nouveau Roman : l'intrigue est minimale modulée par la répétition de scènes banales qui se succèdent comme une litanie et contribuent à donner la tonalité au roman, sous tendue par une économie de moyens qui souligne le climat trouble qui s'en dégage. 

                
                                 Image du film : le dîner organisé par Anne

Claude Mauriac, confronté à l'ambivalence du roman, se demande : « D'où vient qu'étant court ce récit nous retienne longuement ? [...] D'où que, se tenant semblait-il à la superficie des êtres, il nous paraisse aller si profond ? »
Claude Roy a lui aussi une approche voisine, écrivant qu'il s'agit « d'un récit d'un extraordinaire dépouillement, construit avec une rigueur formelle admirable, et qui pourtant ne laisse jamais le souci d'architecture, le métier rigoureux étouffer ou atténuer l'émotion. »

C'est moderato cantabile que Marguerite Duras a bâti un récit sans véritable histoire, soutenu par une petite musique, douce, modérée tout en restant « chantante », mélodieuse.

                  
                                       Image du film : Belmondo et Jeanne Moreau

Notes et références
[1] Diabelli, sonatine --
[2] Indication musicale sur le tempo modéré (moderato) et chantant (cantabile)

Voir aussi
Document utilisé pour la rédaction de l’article ► Stendhal, Voyageur impénitent -- De Marseille à Gap --
Document utilisé pour la rédaction de l’article 
Duras entre Trouville et Neauphle -- Entretiens --
Document utilisé pour la rédaction de l’article  Résumé des chapitres --

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