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Frachet
14 août 2022

Salman Rushdie, Le Dernier Soupir du Maure

Référence : Salman Rushdie, Le Dernier Soupir du Maure (cinquième roman), éditions Plon, traduction Danielle Marais, 408 pages, 1996, éditions Folio, 2009

« Un dernier soupir pour un monde perdu, une larme pour sa disparition. » Salman Rushdie

             
                                                       Rushdie avec Jack Lang

L’histoire se déroule dans les villes indiennes de Cochin et Bombey et retrace l'histoire de quatre générations de la famille du narrateur, Moares Gama-Zogoiby dit « Le Maure », famille qui descendrait du navigateur Vasco de Gama. Le titre fait référence à l'exil des derniers musulmans du royaume de Grenade après la prise de la ville par l'Espagne en 1492.

               
                                    Rushdie et BHL        Rushdie et le journaliste Thomas Sotto

 L’auteur suit ici le même schéma narratif que "Les Enfants de minuit" paru en 1980 : peu avant sa mort, Moares décide d’écrire sa biographie, depuis la jeunesse de ses grands-parents jusqu’à ses derniers instants, si ce n’est qu’ici il traite plus directement de la question d’une recherche identitaire. Ce thème, central chez Rushdie, rejoint la difficile intégration d’un exilé à qui manquera toujours son pays. Même si ce déchirement entre l’Inde et l’Angleterre sera atténué par les nombreuses figures féminines qu’il sera amené à rencontrer.

« La sagesse, ce n'est pas d'être ou pessimiste ou optimiste, mais d'observer, de savoir quelles sont nos valeurs et de ne rien concéder. »

                           

Salman Rushdie a sans doute le mieux défini sa pensée dans cette formulation : « Ce que désirent les hommes, ce n’est point la norme civile et sociale mais l’excessif, le démesuré, l’illimité –ce par quoi  notre puissance naturelle peut être libérée. Nous sollicitons ouvertement la permission de devenir notre propre esclave secret. » Vision pessimiste de l’humanité qui me rappelle le titre d’un livre du psychosociologue Paul Watzlawick, « Faites vous-même votre malheur. » [1]

Il faut dire que cette famille Gama-Zogoiby est assez particulière. Elle est dominée par la mère du Maure, la terrible Aurora qui a séduit l’humble juif de Cochin, Abraham. Cette peintre très connue va  entraîner le Maure dans des tribulations aussi drolatiques qu’aventureuses des bouges des grandes villes, de Bombay en particulier, aux milieux interlopes de la bonne société.

                         

« Le rôle de la fiction est de créer des mondes imagés que les lecteurs aiment habiter et qui les poussent à penser leur propre vie. »

Moares est un curieux personnage, escroc sous la coupe de sa femme, enfant né bien avant terme avec une main difforme, vieillissant deux fois plus vite que les autres. De plus, il fait des choix malheureux et se met dans des situations impossibles. Échappant à un contrat crapuleux passé entre son père et sa grand-mère, il tombe sous la coupe de cette mère tout aussi adorée que détestée.

Aurora la mère a les défauts de ses qualités, physique superbe et caractère fougueux. Elle a grandi sans garde-fou, insouciante, volontaire, jalouse de sa liberté. Elle ne passe pas inaperçue, centre de son monde,  et par exemple désespère le peintre Vasco de Miranda.

           
Manifestation contre Rushdie

« On n'échappe pas à son passé. Ce que vous avez été est à jamais ce que vous êtes. »

Entouré de ses trois sœurs, Ina, Minnie et Mynah aux tendances maso, connaîtront des destins très différents. Moares, longtemps dominée par Dilly Hormuz, sa préceptrice et première amante et Nadia Wadia son ex, a trouvé la plénitude auprès d'Uma Sarasvati, jeune sculptrice qui adore Aurora. Mais les deux femmes  se jalousent les faveurs de Moares.

Cet hommage à l’Inde n’épargne pas non plus le pays d’origine de Rushdie. Il le décrit ainsi : « L'Inde Mère avec son faste criard et son mouvement inépuisable, l'Inde Mère qui aimait, trahissait, mangeait et dévorait ses enfants puis qui les aimait de nouveau […] une Inde Mère protéenne qui pouvait devenir monstrueuse… n'être qu'un ver sortant de la mer… » (p 77)

                          [2]

Nous sommes, comme souvent chez Rushdie, dans un univers mêlant l’ironie aux aventures épiques, la farce à l'onirisme, une réalité mâtinée de merveilleux dans ce qu'on appelle le réalisme magique, à travers un roman picaresque plein de saveurs et de couleurs, plein de bruit et de fureur.

Notes et références
[1] Voir ma fiche Paul Watzlawick sur wikipedia --
[2]
Sa série new-yorkaise comprend 4 tomes : Furie, Deux ans, huit mois et vingt-huit nuits, La maison Golden et Quichotte --

Voir aussi mes fiches :
Document utilisé pour la rédaction de l’article La maison Golden : 3ème tome de sa série new-yorkaise --
Document utilisé pour la rédaction de l’article Quichotte : 4ème tome de sa série new-yorkaise --
Document utilisé pour la rédaction de l’article Salman Rushdie et Joseph Anton --

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