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Frachet
3 mars 2022

Vassilis Alexakis Les mots étrangers

Référence : Vassilis Alexakis, Les Mots étrangers, éditions Stock, 320 pages, 2002; éditions poche, 304 pages, janvier 2004

                 

« Ne vous dérangez pas, le temps ne fait que passer. »

S’il a fait ses études en France, c’est surtout pour fuir la dictature militaire grecque que Vassilis Alexakis (1943-2021) revient à Paris en 1968. [1] Il commence une carrière de journaliste, collaborant à des journaux comme Le Monde, La Croix ou La Quinzaine littéraire ainsi qu’à des radios comme France Culture.

           

Il se présente comme un « écrivain grec francophone » même s’il a écrit beaucoup de ses livres en Français. Sa double culture, il l’a assumée en écrivant ses romans d’abord en Français puis, à partir de Talgo en 1983, souvent dans sa langue natale. Il a tenu à préciser dans une interview : « ma manière d'écrire reste la même en passant d'une langue à l'autre, je ne trahis aucune des deux langues et aucune ne me trahit ». Et d’ajouter avec une pointe d’ironie : « J'ai une langue pour rire, le français, et une langue pour pleurer, le grec. » 

           

Le langage irrigue son œuvre, en particulier dans des livres comme La langue maternelle, Prix Médicis en 1995, Le premier mot ou les mots étrangers. Le premier parle d’un homme qui, au bout de 20 ans, redécouvre sa ville natale et sa langue d’origine avec toute l'ambiguïté que cela implique. Le deuxième est basé sur une enquête minutieuse concernant ce fameux premier mot prononcé par un homme, un mystère aussi épais que l’énigme du sphynx.

Vassilis Alexakis, tout en naviguant depuis près de 30 ans entre les langues grecque et française, a éprouvé un jour le besoin d'apprendre le sango, langue africaine peu répandue, parlée en Centrafrique. Il espère sans doute ainsi retrouver des sensations linguistiques remontant à son enfance ou celles ressenties quand il s'est frotté à la langue française et sans doute aussi pour des raisons plus intimes...

                         

Il écrit à ce propos : « Ne pas avoir de raison d'apprendre une langue n'est pas une raison de ne pas l'apprendre. » (p. 92)

Le Sango n'est pas seulement un attrait pour une autre langue, un nouveau lien avec les autres et les choses mais un appel du passé. Il y a ces mots récurrents qui interpellent le lecteur, comme « mon papa » ("baba ti mbi" en sango), « mon papa est mort » ("baba ti mbi a kui " en sango).

                           

On le suit dans la recherche de son père récemment décédé, à partir d'une vieille photo du grand-père prise à Bangui la capitale. Mais il ne trouve aucune trace de la présence de son père dans ce pays. Il lui faudra donc explorer d'autres voies.

Ce qui fait l'intérêt de ce livre, c'est d'abord l'humanité de son auteur, les échanges imagés en sango entre Tarzan et Jane, cette Alice qui ne l'écoute pas quand il lui parle du sango, le trouble qu'il ressent pour le Grand Robert... Et sa façon de parler du racisme comme dans cet exemple : « Je n'ai guère conscience, quand je suis à Paris ou Athènes, que les gens qui m'entourent sont blancs. Je suis en train de découvrir qu'il n'y a pas de noirs en Afrique. Il n'y en a que sur les autres continents. Leur peau n'est qu'une tenue de deuil qu'ils portent quand ils s'en vont à l'étranger. »

           
Vassilis Alexakis en 2012                  Avec Jean-Marc Roberts en 2005

Voir aussi
Document utilisé pour la rédaction de l’article *Alexakis, Interview --
Document utilisé pour la rédaction de l’article ** Odysseas Elytis -- Georges Séféris -- Cavafy --

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