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Frachet
8 février 2021

Yasmina Reza, Serge

Référence :  Yasmina Reza, Serge, éditions Flammarion, 240 pages, janvier 2021

         

La romancière et dramaturge Yasmina Reza publie cette fois Serge, un roman en forme de chronique familiale mêlant tragique et comique, qui trace avec un humour décalé les rapports d'une fratrie de trois frères et soeurs, Serge, Jean (le narrateur) et Nana Popper. Elle amorce, à parmi de cette trame, une réflexion sur la famille, en l'occurrence la famille des Popper, famille juive non-pratiquante originaire de Hongrie, avec une approche personnelle du thème de la mémoire. 

               

Un roman empreint de nostalgie pour cette famille, du temps où la mère vivait encore : « Chez ma mère, sur sa table de chevet, il y avait une photo de nous trois rigolant enchevêtrés l’un sur l’autre dans une brouette. C’est comme si on nous avait poussés dedans à une vitesse vertigineuse et qu’on nous avait versés dans le temps. »
           

Depuis le décès de la mère, les choses se sont délitées parce qu'elle en était le pivot, elle tenait « la baraque de bric et de broc » mais elle vient de mourir d'un cancer, dans sa chambre, dans ce lit médicalisé, qui lui a « cloué le bec ».


Sa pièce Bella Figura au théâtre de Ménilmontant

Les derniers jours de la mère ont été ponctués par les journaux télés, « c’était quatre jours après l’attentat du Marché de l’Avent à Vivange-sur-Sarre », des images qui défilaient et après d'autres images, de la pub cette fois, ce commentaire débile de la correspondante, « La vie reprend ses droits même si bien sûr plus rien ne sera comme avant. » Serge, lui, pense que « tout sera comme avant. En vingt-quatre heures. »

               

On a dit de ce roman qu'il était le roman du milieu : une fratrie au milieu de sa vie, Jean le narrateur au milieu de la fratrie et la visite clé du camp d'Auschwitz-Birkenau marquant le milieu du récit.

A travers la scène centrale de la visite d'une famille juive d'Auschwitz, c'est la question de la mémoire que pose ici Yasmina Reza, refusant que le thème de la mémoire balaie aussi largement le champ de l'histoire. "Pourquoi se souvenir" se demande-t-elle, est-ce vraiment par l'exemple, pour un "jamais plus ça" qui ne fonctionne pas car « un savoir qui n’est pas intimement relié à soi est vain. Il n’y a rien à attendre de la mémoire. Ce fétichisme de la mémoire est un simulacre", songe Jean en marchant dans les allées du camp.

               

Jean porte un regard plutôt résigné sur le monde mais toujours plein de douceur, en témoigne sa relation avec Luc, un enfant différent qu'il aime comme son fils, gommant la laideur du monde, apportant une certaine tendresse à l'alacrité du  roman.

              
Yasmina Reza prix Renaudot 2016

Une mémoire si importante pour Yasmina Reza qu'elle a dédicacé son roman à l'écrivain Imre Kertész qui lui aussi a connu les camps de concentration et a beaucoup écrit sur le travail de mémoire.

Auschwitz envahi de touristes a tout d'une scène de film, d'un décor cependant encore marqué par la tragédie des lieux et ces millions d'êtres humains sacrifiés à la folie d'un homme et d'un régime. Auschwitz sera l'occasion de faire renaître aussi de vieilles querelles familiales qui se traduiront en rupture  cristallisent, provoquant la rupture…

         

Voir aussi
* Yasmina Reza, Heureux les heureux --

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