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Frachet
17 septembre 2020

Julian Barnes, L’homme en rouge

Référence : Julian Barnes, L’homme en rouge, éditions Mercure de France, traduction Jean-Pierre Aoustin, septembre 2020

                
Le Docteur Pozzi dans son intérieur (1881), de John Sargent

J'avais déjà rencontré l'écrivain anglais Julian Barnes en 2018 avec Le temps du fracas, une biographie consacrée au musicien Dmitri Chostakovitch et à ses tribulations face au pouvoir soviétique sous Staline et Nikita Khrouchtchev.

Cette fois, Julian Barnes s'intéresse à un « homme en rouge », portrait que peint John Sargent en 1881 et qui a beaucoup été intrigué par cette œuvre. Il décrit avec précision sa tenue, la position des doigts et même la cordelière dont les glands « pendent juste au-dessous du bas-ventre, tel un nerf de bœuf écarlate ».

                   

Cet « homme en rouge » né à Bergerac en 1847 s’appelait Samuel Pozzi, père de Catherine Pozzi. [1] Il s'imposa rapidement à Paris comme LE médecin à la mode, surtout envers les dames de la bonne société en tant que chirurgien et gynécologue. Elles devinrent souvent ses maîtresses, dont la grande Sarah Bernhardt qui le surnomma « L’Amour médecin ».

Il est également connu pour son rôle dans la promotion de la gynécologie qui deviendra grâce à lui une spécialité médicale. Barnes le présente comme
« l’homme qui ne perdait jamais un ami... un homme sain d’esprit dans une époque démente. »

                   

Cet « homme en rouge » attire par par sa tunique écarlate qui le couvre du cou à la cheville, montrant aussi des ruchés blancs aux poignets et à la gorge. Voilà ce qui frappe d'abord dans ce tableau, mais bien sûr l'habit ne fait pas forcément le moine.

Si sa vie privée fut chaotique, la carrière du médecin fut exceptionnelle dans un temps que la postérité a surnommé "la Belle Époque" qu’on découvre à travers le regard sans concession de Julian Barnes. Une époque qu'il nous décrit comme rayonnante de plaisirs et de paix, mais aussi assombrie par une instabilité politique chronique ainsi que des crimes et des scandales à répétition. Dans ce Paris fin de siècle, on rencontre aussi des vedettes de ce temps, Sarah Bernhardt, Robert de Montesquiou, Barbey d’Aurevilly, Huysmans, entre autres.

               
Samuel Pozzi par Nadar

Julian Barnes s’intéresse également aux amis invertis de cet homme qui était pourtant un homme à femmes, comme le célèbre Robert de Montesquiou [2] qui « toute sa vie dut rivaliser avec des versions parallèles et fictives de lui-même ». C’est Samuel Pozzi qui soigna la main blessée de Montesquiou après son fameux duel contre Henri de Régnier, épisode qu’évoque Barnes dans son livre.

                   

Esprit curieux, il collectionnait les  pièces de monnaie et les statuettes, notamment les tanagras et fut en 1888 président de la Société d'anthropologie. Il s'intéressait aussi à la politique conseiller général puis sénateur de la Dordogne.
Mais sa fin fut tragique, assassiné le 13 juin 1918 par un patient soudain frappé de démence, qui tira plusieurs balles de pistolet.

Ce livre survole avec légèreté les frivolités de cette époque, même si l'on peut être dérouté par une composition faite sans ordre reposant sur une chronologie ou une thématique, décalé aussi avec ses nombreuses illustrations provenant des cartes "Félix Potin", photos de célébrités qu'on glissait alors dans les plaquettes de chocolat…

         

Notes et références
[1] On doit à Catherine Pozzi, correspondante du grand poète allemand Rainer Maria Rilke, un magnifique journal intime.
[2] Sur Robert de Montesquiou, voir ma fiche et son portrait par le peintre Giovanni Boldini --

Voir aussi
* Claude Vanderpooten, "Samuel Pozzi", éditions In Fine, mars 1992
* Jean-Philippe Brial Fontelive, "Les Pozzi, une famille d’exception", éditions Esprit de Pays, 2019

                   

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