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Frachet
11 juin 2020

Ernest Renan

Ernest Renan l’historien contesté (1823-92)

« La bêtise humaine est la seule chose qui donne une idée de l’infini ». Ernest Renan

         
Ernest Renan en 1871         Sa maison-musée à Tréguier     Son monument sur la place de Tréguier

J’ai découvert Ernest Renan il y a bien des années en visitant Tréguier, superbe petite ville au nord de la Bretagne où j’ai pu voir sa maison natale dans le centre-ville, transformée en musée. Je n’avais guère alors pris la mesure du rôle important qu’il avait pu jouer à son époque.  Par contre, on ne peut que constater qu’un intellectuel comme lui n’est plus guère lu aujourd’hui et n’a plus beaucoup d’influence.

J’ai eu l’occasion de me replonger dans sa biographie à travers un livre qui reprenait ses mémoires. J’ai quelque mal à le qualifier tant il possédait de facettes, tour à tour écrivain, philologue, philosophe et historien, sans compter son appétence pour les sciences ou le fait qu'il ait été aussi professeur d'hébreu.

               
Prière sur l'Acropole

Pour moi, c’était un historien du XIXe siècle, assez torturé entre ses racines catholiques et ses idées progressistes et laïques,  qui avait surtout brossé une grande fresque sur la religion, L’Histoire des origines du christianisme en 7 volumes publiée entre 1863 et 1881. [1]
Son intérêt pour sa Bretagne natale se retrouve dans L'Âme bretonne en 1854 et son autobiographie Souvenirs d'enfance et de jeunesse en 1883. Mais il avoue aussi qu’en lui se conjuguent le Gascon (du côté de sa mère) et le Breton. Autre contradiction qui le suivra toute sa vie entre les croyances politiques antagonistes de ses parents.

                   

Comme historien il a joué un grand rôle dans l’évolution de la conception de l'Histoire.  Dans son livre consacré à La Vie de Jésus en 1863, il considère la biographie du Christ comme celle de n’importe qui, basée autant que faire se peut sur des faits et la Bible comme n’importe quel document historique. Inutile de dire qu'avec de telles idées, Renan subît les foudres de l’Église catholique et de tous ses adeptes. [2]

En 1860-61, il est au Syrie et au Liban dans le cadre d’une mission archéologique.  Il est hébergé à Amchit chez des amis avec sa femme Cornélie et sa sœur Henriette et en profitera pour rédiger sa Vie de Jésus, œuvre  honnie par les milieux cléricaux mais qui restera le meilleur exemple du renouvellement de la recherche historique.

Délaissant l’histoire événementielle, il s’intéresse ainsi aux évolutions socio-historiques dans des ouvrages comme Prière sur l'Acropole en 1865 ou Qu'est-ce qu'une nation ? en 1882. Dans ce dernier texte, il  s’efforce de différencier  la race et la nation, montrant que la nation, au-delà de caractères ethniques et d’une langue commune, représente des liens volontaires entre des individus qui ont en commun un passé et une vision de l’avenir. En ce sens, il est un exemple pour les historiens qui adopteront une conception plus large et plus sociologique de l’histoire. [3]

Par sa façon d’aborder l'Histoire et son travail d'historien, il se rapproche de son contemporain Hippolyte Taine (1828-93) qui prônait la méthode expérimentale (l’histoire scientiste), très loin d’un autre historien contemporain Jules Michelet (1798-1874) qui avait plutôt une vision romantique de l'Histoire.

            
Buste de Renan, Musée de la vie romantique, Paris

Sa statue à Tréguier
Après sa mort, on décida de lui élever une statue à Tréguier sa ville natale, sur la place du Martray devant la cathédrale, inaugurée en grande pompe en 1903 par Émile Combes, le président du Conseil en exercice. Les catholiques considérèrent cette initiative comme une provocation intolérable et ils répliquèrent en érigeant un "calvaire de réparation" sur un quai du port de Tréguier. On était alors à une époque de lutte entre le pouvoir religieux et le pouvoir politique, juste un peu avant 1905, date de la loi de séparation entre l'Église et l'État.

           
Sa statue inaugurée en 1903                                 Le calvaire de la réparation 1904

Notes et références
[1] Pour plus d’informations, voir une présentation de son Histoire des origines du christianisme.

[2] En bon philologue qu’il fut aussi, il prouva par exemple que la grammaire et l'histoire du Pentateuque  sont postérieures à l'époque de Moïse et  que le Livre de Daniel est manifestement apocryphe.
[3] Voir en particulier mes fiches sur :
Document utilisé pour la rédaction de l’article Jacques Le Goff, Hommes et femmes du Moyen âge -- La pensée de Fernand Braudel --
Document utilisé pour la rédaction de l’article Georges Duby, Sur les traces de nos peurs --
Document utilisé pour la rédaction de l’article
Biographies de Lucien Febvre et de Emmanuel Le Roy Ladurie --

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