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Frachet
16 mars 2020

Hommage à Jean Daniel

Jean Daniel, le fondateur de l'hebdomadaire Le Nouvel Observateur en 1964, ne sera jamais centenaire. 99 ans, c’est un bel âge quand même pour ce grand écrivain journaliste auquel  Emmanuel Macron a rendu un hommage national aux Invalides où, a-t-il dit, avec lui, « la France perd une conscience, de ces hommes qui font l'Histoire à la seule force de leur plume ». 

               

Il y eut bien sûr beaucoup d’hommages comme celui de Claude Perdriel son complice de toujours au Nouvel Obs qui « le considérait comme un frère » ou ses amis de gauche pour qui il était comme « une conscience… qui a participé à la décolonisation en Algérie, par des écrits autant que par ses actes et au risque de sa vie. »

       
L’hommage national par le Président de la république

Je me souviens de mon impatience de lire chaque semaine dans le Nouvel Observateur son éditorial, analyse des événements de l’actualité qui montrait toute l’étendue de sa culture et l’acuité de son esprit. Je me souviens aussi, écrits dans la même veine, de ses ouvrages sur l’actualité, sur ses rencontres avec les grands de ce monde où il avait ses entrées, ses autobiographies qui, au-delà des anecdotes, révélaient à quel point il était attentif à la marche du monde où il intervenait à son niveau.

Il fut une grande conscience œuvrant pour la paix au Proche-Orient, cherchant à créer des liens et à lancer des ponts entre Israéliens et Palestiniens, avec obstination malgré les échecs. Une grande conscience pour le Maghreb et l’Afrique, lui le pied-noir, savait fort bien que l’avenir de l’Europe dépendait aussi du développement de l’Afrique. Une grande conscience engagée dans l’indépendance des peuples, réussissant en 1963 une retentissante interview de John F. Kennedy, qui le chargea d’un message pour Fidel Castro, ce qui lui vaudra une renommée internationale.

        
Avec Bernard-Henri Lévy                                       Avec Régis Debray

De celui qui avait le premier ouvert les portes de l'Obs à SOS Racisme, on peut affirmer qu’avec sa disparition, « c’est la gauche qui est en deuil… »
Du journaliste, il possédait la curiosité et le goût de la nouveauté, la quête de l’évènement.  « L’évènement sera notre maître intérieur » écrivit  un jour Emmanuel Mounier.
Un temps, il fut un gaulliste de gauche, comme on disait dans les premières années de la Vème république, figure de proue de la social-démocratie qui défendait l’idéal de justice sociale, position qui lui valut de nombreuses polémiques avec Le parti communiste.

                    
Mitterrand l’irrésistible                          Avec François Mitterrand

Claude Perdriel a dit également de lui qu’il était « un grand journaliste. Il s'est révélé aussi grand éditorialiste et grand directeur de la rédaction. Jean était le garant de la ligne politique mais il était capable d'accueillir tous les points de vue, même les plus radicaux.»

        
Sarah Daniel sa fille                       Jean Daniel à Médiapart

Il fut l’ami de personnalités comme Pierre Mendès-France, de Michel Foucault ou encore de François Mitterrand. Il sut aussi faire participer au Nouvel Obs des gens de qualités, des intellectuels comme par exemple Michel Foucault, Roland Barthes, Claude Roy, Edgar Morin, François Furet, Jacques et Mona Ozouf

Au-delà du journaliste, Jean Daniel fut un écrivain respecté, publiant des essais, des ouvrages de réflexion en partant de son quotidien, de ses rencontres avec des personnalités, des événements qui ont marqué son époque.

 

"Avec Albert Camus, comment résister à l’air du temps ?" [1]

Jean Daniel
et Albert Camus se rencontrent  pour collaborer à la revue Caliban que dirigeait Jean Daniel. Camus, généreux comme à son habitude, lui proposa plus : il lui donna trois articles dont un sur Louis Guilloux et « la difficulté d’écrire sur la misère autrement "qu’en connaissance de cause". »

Camus l’encouragea aussi à se lancer dans l’écriture et publia son premier livre dans la collection Espoir qu’il dirigeait chez Gallimard.

           
                                            Avec Camus, comment résister à l’air du temps ?

De son côté, Jean Daniel fit connaître à Camus l’action de Pierre Mendès-France et favorisa sa venue à l’ExpressCamus intervint comme éditorialiste entre l’été 1955 et le début de 1956. Mais ils s’éloignèrent l’un de l’autre à propos de la guerre d’Algérie, Daniel penchant pour l’indépendance du pays. Dans une interview, Jean Daniel confia que « Après son prix Nobel, il m’a adressé un petit mot qui se terminait ainsi : "L’important est que nous soyons vous et moi déchirés". » [2] Après la mort de Camus, il écrivit régulièrement des articles sur celui qui, au-delà de leur brouille sur l’Algérie, se considéra toujours comme son ami. [3]

Jean Daniel participa à une mémorable table ronde intitulée "Autour d’Albert Camus" en compagnie de Michel Onfray et Bernard-Henri Lévy. [4]

       Jean Daniel à Lisbonne en 1975

De tout ce qu’a écrit Jean Daniel, ce sont sans doute ses œuvres  autobiographiques qui ont connu le plus de succès, en particulier Le Temps qui reste et Avec le temps. Les cinq ouvrages ont été regroupés en 2002 dans un recueil intitulé simplement Œuvres autobiographiques. [5]
Outre ses deux essais sur François Mitterrand [6], Jean Daniel a écrit plusieurs ouvrages sur l’actualité géopolitique comme L'Ère des ruptures, éditions Grasset, 1979, Cette grande lueur à l'Est en 1989, Lettres de France : après le 11 septembre en 2002, Israël, les Arabes, la Palestine : chroniques 1956-2008 en 2008 et Demain la nation, éditions du Seuil, 2012 [7]

               
                                                                          Avec Alexandre Soljenitsyne

Notes et références
[1]
Titre du livre que Jean Daniel a consacré à Albert Camus

[2] Jean Daniel, Le Monde, entretien avec Josyane Savigneau, 8 janvier 2018
[3] Voir par exemple son article du 7 janvier 1960 intitulé  "Parlons de lui" ou le hors série du Nouvel Obs paru en septembre 2017 et intitulé "Camus l’éternel révolté"
[4]  "Autour de Camus", Table ronde à l'Auditorium du Monde, avec Bernard-Henri Lévy, Michel Onfray et Jean Daniel, CD audio, éditions Frémeaux & Associés
[5] Œuvres autobiographiques parues chez grasset réunit Le Refuge et la source, Le Temps qui reste, La Blessure, Avec le temps, Soleils d'hiver, avec un index général
[6] "Les Religions d'un président" : regards sur les aventures du mitterrandisme en 1988 et son dernier livre paru en 2016, "Mitterrand l'insaisissable", aux éditions du Seuil
[7] À ces exemples, on pourrait aussi ajouter : De Gaulle et l'Algérie : la tragédie, le héros et le témoin, éditions du Seuil, 1986, Voyage au bout de la nation, éditions du Seuil, 1995, La Guerre et la paix : Israël-Palestine : chroniques, 1956-2003, éditions Odile Jacob, 2003, La Prison juive : humeurs et méditations d'un témoin, éditions Odile Jacob, 2003

Voir aussi mes articles :
*
L'ensemble de mes articles sur Jean Daniel et son oeuvre --
Biographie de Jean Daniel --

* Sur Albert Camus : Autour de Camus & Avec Camus, comment résister à l’air du temps ? -

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<< Ch. Broussas, Jean Daniel 2020 16/03/2020 © • cjb • © >>
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