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Frachet
8 janvier 2020

Alexandre Postel, Un automne de Flaubert

Référence : Alexandre Postel, Un automne de Flaubert, éditions Gallimard, collection Blanche, 144 pages, janvier 2020

              Gustave Flaubert

« Un port est un séjour charmant pour une âme fatiguée des luttes de la vie. » Baudelaire

En 1875 : à cinquante-trois ans, Gustave Flaubert traverse une grave crise de conscience, une espèce de burn out dirait-on maintenant. Ruiné et dominé parle chagrin, il se sent incapable d’écrire une ligne et se sent comme fini.

il faut dire qu'il semblerait que le sort se soit acharné sur lui. Quand il arrive en septembre 1875 pour la seconde fois de sa vie dans le port breton de Concarneau, son moral est au plus bas, il est devenu obèse et se sent entraîné par son pessimisme naturel. Autour de lui, les décès se succèdent, c'est d'abord sa mère et son grand ami Bouilhet, puis des écrivains comme Jules de Goncourt, Théophile Gautier et Ernest Feydeau, tous ces amis qui lui rendaient la vie moins ennuyeuse et qui partent si vite.

   
« A son entrée dans Concarneau, Flaubert crève de sommeil et de faim. »

De plus, sa nièce Caroline, dont il assume la charge depuis qu’elle est orpheline, lui cause des soucis, mariée à un négociant dans l'industrie du bois, dont les affaires périclitent. Il voudrait lui venir en aide mais lui-même n'a plus guère de revenus.

Alexandre Postel le décrit alors comme un homme  « à l'œil morne, sa moustache tombante, son teint congestionné et l’affaissement de ses chairs qui lui donnent l’air tout à la fois d’un vieux cabotin et d’un boucher, autrement dit d’un homme usé par un travail répétitif auquel il ne croit guère. »

       

Pour soigner cet état déplorable de prostration, il décide d’aller passer l’automne à Concarneau en BretagnePouchet, un ami dirige la station de biologie marine. Pendant deux mois, il s’adonne aux bains de mer, se balade le long de la côte, s’imprègne des paysages et des hommes qui y travaillent.

D ans ce contexte et l’air vivifient de l’océan, l’envie d’écrire revient peu à  peu. Dans sa chambre d'hôtel, il commence à écrire un conte médiéval assez féroce, pour se forcer à écrire de nouveau, pour se tester.

Il va lui falloir reprendre l'écriture, retrouver ce goût particulier de la plume qui court sur le papier et ce sera bientôt La légende de Saint Julien l’Hospitalier, pour un recueil qui connaîtra le succès, Trois contes.

           
Saint Julien l’Hospitalier, fresque de Ghirlandaio (détail)

Flaubert récuse tout sentimentalisme, il ne peut se résoudre à ces élancements et s'est toujours voulu maître de lui-même car paradoxalement «  la sentimentalité excessive qu’il porte en lui le terrifie » et il sait très bien que « c’est l’écueil où ont sombré presque tous les écrivains de sa génération. »

À partir d'éléments biographiques, Alexandre Postel a imaginé le cheminement de Flaubert dans son isolement relatif, la façon dont il est parvenu à surmonter ses difficultés personnelles pour se dépasser et se remettre à écrire, ce qui aurait pu s’appeler suggère Alexandre Postel : «  Gustave terrassant le dragon de la mélancolie. »

             
Sa nièce Caroline               Flaubert par M. Winoch    Flaubert et Maupassan

On peut aussi apprécier son souci d'être au plus près du style de Flaubert. Somme toute, Alexandre Postel nous donne à lire un roman audacieux et très réussi, s'appuyant sur un important travail documentaire et une écriture précise et agréable.

Son processus de création à travers Saint Julien l’Hospitalier
D'abord, Flaubert pose la structure de son récit, noté au fil de la plume :
« Ils habitaient un château sur une montagne boisée... enceinte, tours, jardin, verger, mail, chapelle, pigeonnier, etc. Le tout peu fortifié dans une enceinte de haies d'épines. Vu en pente d'un seul coup d'œil comme un plan... »
À ce stade, il rature peu, se laissant guider par les images qui surgissent, à l'affût des mots aux sonorités qui lui parlent comme pelisse, pigeonnier, courtine ou fauconnerie.

Sa phrase d'entame « Jamais il n'y eut meilleurs parents -ni d'enfant mieux élevé que le petit Julien », il la voudrait plus précise, moins rapide et la reprend ainsi : « Jamais il n'y eut d'enfant plus joli que le petit Julien ni de meilleurs parents que son père et sa mère. » Et il poursuit en reprenant la deuxième phrase : « Ils habitaient un château au milieu des bois, sur la penre d'une colline terminant une large vallée. » (Pages 82-83 & 109-110)

Voir aussi mes fiches
* Gustave Flaubert en Bretagne --
* Le perroquet de Flaubert --
* Flaubert, de Déville à Croisset --

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