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Frachet
3 janvier 2020

Daniel Pennac, La loi du rêveur


« Écrire, c’est respirer, imposer un ordre esthétique (lié à notre propre cohérence) au chaos du monde. »
Daniel Pennac

Son rapport l’écriture

Le cancre qu’il était a fini par  devenir un grand lecteur car la lecture fut pour lui un refuge, à une époque où on lui interdisait de lire. Puis, devenu professeur, il a fait apprendre par cœur des textes à ses élèves pour « les apprivoiser, se constituer une bibliothèque mentale qui n’est que matière à de futurs actes et créations. »
Il voulait que la lecture devienne pour eux une nécessité.

L’écriture est pour lui aussi une nécessité, autant de réminiscences à sa propre vie, même s’il les juge involontaires, un besoin d’expression qui a quelque chose à voir avec le rêve. L’important est également de garder le cap sans trop se poser de questions car « rien ne peut jamais marcher si l'on songe à tout ce qu'il faut pour que ça marche. »

     
« Si vous voulez vraiment rêver, réveillez-vous. »
Daniel Pennac

Ses personnages surgissent des traits de ses amis, « souvent romanesques en eux-mêmes » ou aussi de ses lectures : « Malaussène, par exemple, est né d’une lecture de René Girard. Mais les personnages sont peu de chose, des éléments de la phrase : « leurs noms apparaissent de manière à construire un rythme, à produire un effet. C’est le texte qui est vivant, pas eux. »

Cette fois, Daniel Pennac s’interroge sur les liens flous, imprécis entre l’esprit rêveur et l’acte d’écrire. Finalement, sa vocation trouve peut-être son fondement dans sa capacité à rêver. [1] Après une chute accidentelle qui le plonge dans le coma, l’auteur de la saga Malaussène explore ce monde où imaginaire et réalité ont tendance à se confondre, avec comme référence un hommage appuyé à Federico Fellini. [2]

              

« Nous sommes l'enfant de notre corps. » Daniel Pennac

Quelle part peut bien avoir le rêve dans l’écriture se demande Pennac ? Son point de départ est une citation de Federico Fellini, pour qui il a une tendresse particulière, en exergue de chaque chapitre.
Pour lui, « dans la vie, il existe deux types de rêves : les rêves clos qui n'ouvrent sur aucune aventure de récit au réveil, et les rêves ouverts, à partir desquels on peut tirer un fil narratif et laisser à notre imagination la liberté de continuer jusqu'à plus soif. » En somme, des visions nocturnes qui peuvent avoir un prolongement quand l’esprit vagabonde pendant la journée.      

     

Revenons à Fellini, car ce livre outre son parcours onirique, est aussi un hommage au grand cinéaste italien dont il écrit que « les rêves de Fellini sont directement cinématographiques comme ses films sont parfois oniriques. »

Les rêves, il se les approprie comme un matériau, comme souvent les romanciers pour qui tout peut devenir objet de fiction, « il arrive que … des êtres chers qui sont autour de vous au quotidien, qui sont très nombreux car je mène une vie tribale, envahissent mes rêves et viennent m'annoncer des nouvelles qui n'ont rien à voir avec la réalité mais qui peuvent m'inspirer des récits. »  
Cette disposition d’esprit est aussi importante pour la littérature enfantine qu’aime beaucoup Pennac, par exemple dans sa série Kamo. [3]

Il l'exprime ainsi clairement dans une interview : « Je citerai l’incroyable concentré de pertinence que représente la définition du réel par Lacan : " Le réel, c’est ce qui cloche ! " Ce qui implique que toutes les créations, aussi folles soient-elles, sont autant de tentatives pour rétablir l’ordre du monde... Tout acte de création, même né de la cervelle particulièrement désordonnée d’un Antonin Artaud, vise à remettre de l’ordre dans le réel ».

      
Daniel Pennac et Juan Miro

Il évoque la relation entre le rêve et la fiction. Pour lui, le rêve ne souffre aucun temps mort, « tout y est image et sensation, le suspens à l’état pur », un matériau dont le romancier peut user en toute liberté.
Son objectif, précise-t-il, était d’atteindre "le comble du suspens", un livre où les événements seraient  séparés de l’action et prendraient leur source dans la sensation. Un roman où "le tout est possible" tient le lecteur constamment en haleine, comme dans la vie où l’avenir est un ensemble de possibles dont seulement certains vont se réaliser.  

Notes et références
[1] « Le rêve est pour moi le ferment de l’imagination. Il se déclenche sans nous demander notre avis, nous plonge dans les situations les plus échevelées… Une fois la lucidité revenue, je me sens autorisé à les transformer à mon gré, à nourrir mes romans de ces fragments d’inconscient. »
[2]
Fellini fut un grand rêveur, il notait ses rêves et les dessinait car il fut aussi dessinateur. Son ouvrage, Le Livre de mes rêves, représenta une source d’inspiration importante pour ses films.

[3]
Les aventures de Kamo : t1 L'idée du siècle, t2 Kamo et moi, t3 L'agence Babel, t4 L'évasion de Kamo. On peut aussi ajouter Cabot-Caboche, L’œil du loup et Le roman d'Ernest et Célestine.

Voir aussi
* Un amour exemplaire --
* Mes fiches : Journal d'un corps, Mon frère et La loi du rêveur --

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<< Christian Broussas, Pennac La loi du rêveur 04/01/2020 © • cjb • © >>
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