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Frachet
15 décembre 2019

Expo Picasso à Grenoble

PICASSO Au cœur des ténèbres (1939-1945)

      

Le musée de Grenoble présente une intéressante exposition intitulée PICASSO Au cœur des ténèbres (1939-1945). Réalisée en partenariat avec le Musée national Picasso - Paris, elle est centrée sur l'activité de Pablo Picasso pendant la Seconde guerre mondiale qui furent pour lui d'abord une période d'exil intérieur où il se sentait comme prisonnier dans Paris occupé et soumis à la dure férule allemande.


1- Buste de femme au chapeau rayé mai 1939
2- Nature morte au crane de taureau, 5 avril 1942
3- Femme au chapeau dans un fauteuil 1941

Plus exactement, l'exposion s'étend sur la période qui précède la déclaration de la guerre du 3 septembre 1939 jusqu'aux mois qui suivent la victoire du 8 mai 1945. Elle retrace mois par mois, l'évolution de son œuvre au fil de l’activité d'une époque fertile en événements. Des parcours thématiques complètent l'ensemble comme "La vie précaire", "La mort omniprésente" ou "Créer pour résister".

Pablo Picasso considérait souvent son œuvre comme une sorte de journal intime de sa vie et c'est particulièrement vrai pendant cette période de guerre et d'Occupation.

    
L'année 1939 : Buste de femme au chapeau (Dora)
et Chat saisissant un oiseau (22 avril 39)

Son état d'esprit va fluctuer au gré de son rapport à la situation et à la guerre, souvent travaillé par le sentiment de la solitude et de la mort. Il traduit cette violence du monde par une technique plus âpre qu'auparavant, alliant la torture des formes à une puissance de vie et de création qui signifie que malgré tout un espoir subsiste encore, envers et contre tout alimente pourtant un espoir comme dans le tableau L’Homme au mouton (voir photo année 1943), appel à une résistance artistique face à l’occupant.

   
L'année 1940 :
Royan, Le café des bains (juin) et Autoportrait

L'année 1940 est marquée par un séjour à Royan dont cette très belle vue du café des bains. Sa façon de rejeter la guerre, c’est de peindre des portraits de femmes, beaucoup de bustes et portraits sans doute inspirés par sa femme Dora Maar.
Voir cette planche de 1940 par exemple où on ne trouve pas moins de 17 portraits de femmes sur 21 tableaux.

       
L'année 1940 :
Buste de femme et Nature morte au poisson

Le parcours chronologique défini par l'équipe commence par l'épisode de la Drôle de guerre et son long séjour à Royan et se poursuit par son installation au début de l'Occupation dans l’atelier de la rue des Grands-Augustins, montrant comment sa production reflète ses états d'âme, assez noirs puis évoluant quand l'avenir se dégage enfin début 1944.

      
L'année 1941 : Jeune garçon à la langouste (juin) et femme couchée

On considère que deux toiles dominent cette période, L’Aubade en 1942 et L’Homme au mouton en 1944. Durant ces années, il va aussi revenir à son obsession de la figure féminine, personnifiée alors par Dora Maar. Il ne cesse de continuer ses recherches sur les thèmes du portrait et du nu, à partir de styles différents, des femmes changeant d'atours et d'environnement, comme La femme au chapeau, La femme assise dans un fauteuil, ou encore La femme qui se coiffe.

    
  

L'année 1942 : Nature morte au crane de taureau (version mai) et Pot de fleurs sur table
L’aubade (4 mai 1942) et L'aubade, 3 femmes nues

La nature morte a aussi toujours été l'un de ses motifs favoris mais à  cette époque, Picasso l'utilise plutôt comme symbole des privations qui sévissent dans le pays, quand toutes les denrées de base font défaut. De manière plus directe, il va également se servir pour cela des crânes d’animaux et des têtes de mort. Son sens du tragique espagnol fait merveille dans la traduction esthétique de ces années des disettes et de privation de liberté.

    
Année 1943 : La cafetière et Homme qui dort et femme assise

Certains ont parlé d'ambiance carcérale à propos de ses natures mortes lugubres ou d'autres tableaux où dominent des murs aveugles et gris. La référence est sans doute L’Aubade (voir l'année 1942) qui se présente comme un espace confiné et austère, un nu difforme et décharné, allongé près d’une joueuse de luth à la rigidité inquiétante, symbole du moral des Parisiens de l'époque.

    
Année 1943 : L'homme au mouton et Nature morte aux verres et aux cerises

Picasso poursuit ses recherches esthétiques sur les « filles en pièces détachées » comme il les appelait, assemblant et désassemblant à son gré les différentes pièces pour aboutir à des visages difformes donnant un sentiment d'angoisse. Un art « dégénéré » selon les nazis, comme s'il voulait leur faire un "pied de nez" et dénoncer l'académisme pompeux qu'ils défendent.

       
Année 1944 : Femme en bleu (avril) et Le coq de la Libération

Ces deux tableaux sont particulièrement intéressants par leur contraste, La Femme en bleu est bien la traduction d'une période sombre alors que le beau coq multicolore dit bien la joie et l'espoir placés dans la Libération.

    
Notre-Dame de Paris 1944                                       Notre-Dame de Paris 1945

Le contraste est encore plus patent entre ces deux tableaux représentant Notre-dame de Paris, le premier peint en 1944 à un moment où la guerre n'avait pas vraiment basculé, où la répression s'était faite encore plus dure, qu'une espèce de guerre civile opposait la Résistance et la Milice, et cette vue de Notre-dame de Paris dans Paris libéré, avec ces drapeaux tricolores, ces couleurs pures et ce soleil qui brille si fort sur le pays.

     
Année 1945 : Poireaux, crane et pichet            Crane de chèvre, bouteille et bougie

En 1945, Picasso dut découvrir avec effroi les images difficilement soutenables des camps de concentration et d'extermination. Ainsi, il y avait si l'on peut dire, pire que la guerre, l'élimination systématique de populations par tous les moyens, un nettoyage ethnique qui s'est traduit chez Picasso par un déluge de cranes dans ses tableaux comme dans les exemples ci-dessus :  "Nature morte au crane", les deux versions de "Crane et pichet", les 3 versions de "Poireaux, crane et pichet", "Poireaux, crane, vase et lampe", "Poireaux et crane, tête de poisson".

Cette obsession atteindra un paroxysme dans le tableau intitulé "Le charnier" qui rappelle furieusement Guernica et devait rappeler à Picasso les heures les plus sombres de la guerre civile espagnole.

   Le charnier 1945

Son adhésion très médiatisée au Parti communiste en octobre 1944 fait de lui une espèce de Résistant à posteriori. Il devient ainsi rapidement une star célébrée par tout le monde. Mis en avant par les milieux communistes, il apparaîtra bientôt comme un véritable mythe.


1946 & les espoirs de l'après-guerre : La joie de vivre

Notes et références
[1]
L'homme au mouton, sculpture pacifiste : Après sa visite de l’exposition d’Arno Breker, organisée par Vichy en 1942 à Paris, Picasso conçoit cette célèbre sculpture de bois. Cette œuvre repose sur un style classique qui tranche avec ses recherches plus abstraites des années 1930.

Voir aussi
* Picasso à Grenoble et Sélection d’œuvres  -
* Picasso et les années de guerre --

Sur Picasso, voir mes articles :
* Picasso et les femmes -- Picasso et la sculpture --  Expo Picasso-Giacometti --
* Expo Picasso à Évian, 2018 -- Expo Picasso Montpellier 2018 --
* Expo Montélimar -- Les mots de Picasso --
* Picasso et le paysage méditerranéen -- Picasso au coeur des ténèbres --

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