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Frachet
25 novembre 2019

Évelyne Lever, Paris sous la terreur

Référence : Évelyne Lever, Paris sous la terreur, éditions Fayard, octobre 2019

« Les grandes choses s’ébauchent. Ce que fait la révolution en ce moment est mystérieux. Derrière l’œuvre visible il y a l’œuvre invisible. L’une cache l’autre. L’œuvre visible est farouche, l’œuvre invisible est sublime. »
Victor Hugo, Quatre-vingt-treize

        

La Terreur comme représentation et mythe

« La période de la terreur donne lieu à deux positions opposées. « Tantôt elle tient de l’histoire sainte : la Terreur a sauvé la République… Tantôt au contraire la Terreur serait une espèce de crime dont la perpétration expose à des risques tout aussi graves. » [1] Cette vision donne une image ambivalente de cette période, à la fois fascinante et inquiétante, légitime et illégitime.

            
16 oct 1793 : la reine est conduite de la conciergerie à la Concorde (place de la Révolution)


Dans le roman de Victor Hugo, Gauvain mérite la mort car « par suite d’un accès de pitié, il a remis la patrie en danger » en laissant s’échapper Lantenac, ce fanatique… assassin déchaîné par la guerre mais qui a en revanche sauvé des flammes des enfants républicains. Un excès de pitié entraîne la mort d’un brave. Ainsi, la Terreur est d’abord une contrainte à l’égard de soi, comme celle de Cimourdain obligé de vouloir la mort de Gauvain[2] Cette dynamique impose « aux révolutionnaires d’être attentifs aux risques de violence et de dislocation de la société liés à la diffusion des émotions et de les contrôler par l’action symbolique dont participent les discours. » [3]

Selon  Jean-Clément Martin [4], le concept de terreur a vraiment fait fleurette à travers le monde, terreur blanche, rouge, brune et même terreur islamiste… depuis peu. Pour en revenir à la terreur "rouge" qui a sévi entre 1792 et 1794, personne n'est d'accord sur « la nature de cet épisode de la Révolution française»

         
Le tribunal de la terreur              Marie-Antoinette lors de son procès

Si les historiens s'accordent sur la fin, le 10 thermidor an II (28 juillet 1794), avec l’exécution de Robespierre, on a du mal à fixer une date de début [5] ou à dire si elle est « le produit d’une politique ou la conséquence de la vacance du pouvoir. » [6]

Est-ce l'œuvre d'une opposition qui voulait discréditer Robespierre, voire toute l’œuvre de la Révolution ? Sur ce plan, la réponse de Jean-Clément Martin est positive puisqu'il rappelle comment « la Terreur » a été "inventée", en 1794, après la mort de Robespierre pour le rendre responsable des violences commises et d'en finir avec la révolution populaire.


Eau-forte : La mort de Robespierre le 9 thermidor de l’an II

Cette vision d'une page de notre Histoire s'est imposée parce qu'elle rejoint « le goût du macabre et du mélodrame, autant qu'une aspiration au sublime et à l'enthousiasme. »

Par contre, elle a sans doute été moins meurtrière que les crises contemporaines qui ont embrasé le monde ici ou là. Avec un recul de quelque deux cents ans, on peut porter un regard beaucoup plus objectif sur ce que fut la Révolution, cette période clé de notre histoire nationale.

            
Louis XVI                       Le crépuscule des rois        L’affaire du collier

Centré sur la Terreur à Paris, le livre d’ d’Évelyne Lever suit l’engrenage des événements qui ont marqué cette époque. Le récit montre bien par le détail  l’impact des événements sur le quotidien de la population parisienne.

     
                                                                   Lesueur : Sans-culottes en armes

C’est l’histoire d’un mot tabou qui remue les fantômes d’une tragédie nationale et comme l’écrit l’historien Olivier Coquard, « Entre légende noire et légende dorée, la Terreur reste un moment historique dont seule l’étude scientifique permet de déterminer les mécaniques… »

La Terreur est une période fort difficile à décoder avec ses querelles fratricides, ses luttes pour le pouvoir, les dénonciations, arrestations, exécutions, explosions et débats passionnels… Dans un récit enlevé, Évelyne Lever part de témoignages de Parisiens qui éclairent de façon particulière la succession des événements vus par ceux qui les ont vécus.



On est ainsi confrontés à tout ce qui s’est passé à Paris pendant les mois qui voient la chute de la monarchie, l’exécution du roi Louis XVI, la radicalisation de la Révolution et la mise en place d’un pouvoir autoritaire et sans partage. Son intérêt est qu’on n’y côtoie pas seulement ceux qui ont fait l’Histoire, Louis XVI et Marie-Antoinette, les chefs des partis révolutionnaires, Robespierre, Danton, Marat, des femmes comme Mme Roland, Olympe de Gouges ou Lucile Desmoulins mais aussi, ce qui est plus original, les Parisiens de toute condition dans leur vie quotidienne, qu’ils soient aristocrates, bourgeois ou sans-culottes.

Georges Clémenceau a pour sa part défini la Révolution comme un "bloc", partant du principe que celui qui revendique la liberté, l'égalité et la fraternité doit aussi accepter la guillotine et la répression sans merci des émeutes.

      
Un banquet de Girondins                          Scène de massacre à Lyon en décembre 1793

Notes et références

[1] Patrice  Guéniffey, La politique de la terreur, essai sur la violence révolutionnaire, 1787-1794, éditions Fayard, 2000
[2] Victor Hugo, Quatre-vingt-treize, éditons Jean-Claude Lattès, 1988, page 517
[3] Sophie Vahnich, De l’économie émotive de la terreur,  Annales, CNRS, 2002
[4]
Voir Jean-Clément Martin, La Terreur, Vérités et légendes, éditions Perrin, 240 pages, septembre 2017 et Les échos de la Terreur, vérités d'un mensonge d'État, éditions Belin, 2018
[5] Certains historiens la font débuter en mars 1793, date de la création des tribunaux révolutionnaires
[6] Voir Jean-Clément Martin, La machine à fantasmes. Relire l’histoire de la Révolution française, 314 pages,  2012

Voir aussi
* Timothy Tackett, Anatomie de la terreur, éditions Le Seuil, 480 pages
* Antoine de Baecque, La révolution terrorisée, CNRS éditions, 240 pages
* Annie Jourdan, Nouvelle histoire de la Révolution, éditions Flammarion, 657 pages


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