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Frachet
2 septembre 2019

Daniel-Rops le savoyard

              

Même s’il est né loin des Alpes, il est rapidement devenu un savoyard de cœur.  Henri Petiot, qui prendra comme nom de plume celui d’un graveur belge du XIXe siècle Daniel-Rops, agrégé d’histoire, commença sa carrière d'enseignant au lycée Vaugelas à Chambéry.

Son premier roman L’âme obscure paru en 1929, se passe dans la région, à Grenoble, Chambéry et Lyon en particulier tandis que Mort, où est ta victoire ? se déroule surtout dans l’Ain où l’écrivain se rendait souvent à la belle saison, à Rothonod, dans la commune de Chazey-Bons près de Belley. Sa santé fragile lui donnait une allure plutôt frêle et des paupières tombantes.

       

Il s’installa ensuite dans une maison baptisée "L’eau vive" à Tresserve près d’Aix-les-Bains où il avait une vue splendide sur le lac du Bourget où il écrira son œuvre maîtresse sur l’histoire de l’Église. Pour lui, le belvédère de la Chambotte, c’est le site qu’il appelle "Le balcon de l’irréel".

 Dans Mort, où est ta victoire ?, Laure Malaussène, une jolie jeune femme aussi déterminée qu’orgueilleuse, finit par trouver une sorte de sérénité après une vie intérieure compliquée, sous le masque de la respectabilité bourgeoise. Les paysages de l'Ain sont à l’image des sentiments qui l’agitent. On y retrouve aussi  des lieux qu’il connaissait bien, Saint-Pierre Sengelin,  sans doute la ville de Belley, Culoz et sa gare (un des principaux nœuds  ferroviaires de la région, Virieu-le-grand par exemple [1], le château de Barterand (qui vient du lac de Bartherand) a quant à lui pour modèle le château de Beauregard. [2]

Dans  Le Courtinaire, le héros est un homme dévoré de jalousie et que le péché obsède, ce que Daniel-Rops appelle « une maladie des sentiments ». Comme dans le précédent, même si quelques sont imaginaires, beaucoup existent réellement comme Aubarton et sa « longue maison basse que trois marronniers centenaires abritaient d’une ombre épaisse »  ressemble beaucoup à Rothonod. L’intrigue elle-même serait reprise d’une histoire locale…

             

Dans un article, Daniel-Rops lui-même a témoigné de son attachement à cette région :
« À longueur de journées, j’ai parcouru le pays. Du chemin de Pierre-Châtel, j’ai vu le Rhône rouler son eau d’opale au fond de la cluse où il gronde. Dans les vignes de Chemilieu et de Parves, les cerisiers étaient en fleurs et ce premier effort de la nature  pour vaincre la mort avait quelque chose de si pur, si impérieux, qu’il me sembla voir là l’image de ce brusque sursaut par laquelle une âme pécheresse s’arrache à soi-même, à la gangue des routines, à l’engourdissement de la nuit hivernale. »

La nuit du cœur flambant : une nuit à Chambéry
Cette nouvelle de Daniel-Rops nous transporte dans les rues chargées d’histoire du quartier ancien. À travers les déambulations de quatre jeunes gens fascinés par un homme mystérieux, on découvre la rue Basse-du-château avec son restaurant, la rue Croix d’Or avec son hôtel de La Pérouse et le cœur flambant de sa cour intérieure…

      

Il en parle ainsi dans une présentation faite devant les Amis du vieux Chambéry :
« Ce qui me frappa le plus, d’emblée, ce fut la poésie mystérieuse qui irradiait discrètement de ces paysages urbains, tels que Baudelaire les eût aimés. Il me souvient d’une vue nocturne des Portiques, alors assez mal éclairés par des becs de gaz avares : sous la pluie fine, l’artère majeure de Chambéry, totalement vide, semblait appartenir à un autre monde, un monde où le minéral seul était roi, et où l’homme ne pouvait que ressentir plus aiguë la certitude d’être fragile, éphémère voyageur sur la terre.
Ce fut une de ces soirées-là  que par hasard… je tombai sur le cœur flambant […]
À la lumière jaune qui tombait d’une fenêtre, j’aperçus, pris dans le mur juste en face du corridor d’entrée, une étonnante sculpture baroque, un macaron hirsute, deux arcatures en forme de "S" encadrant un cœur d’où une flamme jaillissait. »

En 1955, lors de sa réception à l’Académie française, sur le pommeau de son épée, il fit graver… un cœur flambant.

           

Notes et références
[1]
D’autres lieux moins importants constellent aussi le récit, tels Luis, le lac noir de Conzieu, le lac d’Ambléon, les marais de Lavours et bien sûr le Rhône…

[2] Voir L’itinéraire bugiste de Laure Malaussène, revue Le Bugey, 2003

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