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Frachet
4 mai 2019

L'écrivain et journaliste Éric Fottorino

De Baisers de cinéma et Dix-sept ans au Le marcheur de Fès

             Éric Fottorino

« Être seulement journaliste était insuffisant pour m'accomplir. J'avais besoin de raconter mon histoire, celle qu'on ne m'avait pas racontée. » Éric Fottorino

En parallèle à ses activités de journaliste, Éric Fottorino est un écrivain qui a écrit des essais et des romans.  Son premier roman, Rochelle, paraît en 1991 puis, parmi les plus importants, Cœur d’Afrique, Un territoire fragile (prix Europe 1 et prix des Bibliothécaires 2000), Caresse de rouge (prix François-Mauriac de l’Académie française 2004), Korsakov (prix du roman France Télévisions 2004, prix des libraires 2005), Baisers de cinéma (prix Femina 2007) et plus récemment Dix-sept ans, le portrait à la fois rayonnant et douloureux d’une mère inconnue.

           

Éric Fottorino : Baisers de cinéma

Il y a du Modiano dans cette atmosphère qui se dégage de ce roman, dans ce parcours dans différents lieux de Paris et surtout dans cette recherche éperdue de ses origines familiales.

« Tu dois ton existence à un baiser de cinéma » lui a dit un jour Jean Hector son père, chef opérateur de cinéma au temps de la Nouvelle vague. Peu de temps après la mort de son père, il éprouve la curieuse sensation de la présence de cette mère qu'il cherche depuis toujours. À travers l’image évanescence de cette mère inconnue, il tombe amoureux de Mayliss, une femme mariée mais assez libre et mère d'un jeune enfant. Mayliss ne paraît pas très amoureuse, lui donnant quand ça lui chante quelques moments de plaisir et d’amour auxquels il répond avec empressement en délaissant au besoin son travail. Il l’aime et comprend vite qu’il ne pourrait pas s’en passer.

      
Éric Fottorino natif de Nice                                                 Avec sa fille Elsa

Depuis la mort de son père, l’avocat Gilles Hector fouille fébrilement dans ses affaires, dans son appartement de l’île Saint-Louis, à la recherche du moindre indice qui le mettrait sur la trace de sa mère. Il finit par découvrir des bobines de film qu’il visionne, fasciné par cette femme qui apparaît sur l’écran, mince silhouette aux yeux si expressifs. Dans les carnets de son père, il trouve aussi une référence à un établissement de soins pour maladies mentales situé à Mérignac près de Bordeaux.

         

Sur place, il apprend que cette ancienne institution a été détruite par le feu à la fin des années 1960. La responsable serait une dénommée Marie Bordenave, disparue durant le drame. Gilles Hector est alors persuadé qu’il s’agit de cette mère qui l’avait tant obsédé.

Cette certitude provoque curieusement en lui un déclic comme s’il avait eu besoin d’un tel choc pour être délivré de son amour dévorant pour Mayliss avec qui il rompt brutalement.

         

Éric Fottorino : Dix-sept ans

Voilà un livre qu'Éric Fottorino aura mis longtemps à écrire, libéré enfin après plusieurs versions. Une biographie qui lui aura beaucoup coûté. [1]

Éric Signorelli, un professeur de droit, s'est toujours demandé pourquoi il n'avait jamais pu vraiment communiquer avec sa mère. Plus, il s'arrange pour faire comme si elle n'existait pas, exprimant ainsi la gène diffuse qu'il éprouve en sa présence  : « Depuis toutes ces années, ne rien se dire a été notre mode unique de conversation. Comment expliquer ce « désamour tenace » envers celle qui n'a été pour lui « qu’un visage flou, un profil perdu. »

      

Or un jour, sa mère va l'obliger à replonger dans le passé : Un dimanche elle réunit ses trois fils pour leur confier son grand secret : deux ans et demi après la naissance d’Éric, le fils aîné qu’elle a eu à dix-sept ans, elle a accouché d’une petite fille qu'on lui a prise aussitôt et confiée à un couple stérile.

   
                            Éric Fottorino journaliste : L'équipe du 1

Il éprouva alors l'impérieux désir d'aller à la rencontre de cette mère qu'il ne connaît pas, cette Lina alors si sémillante même si elle est rejetée par les siens, attirant des hommes qui s'empressent de la quitter.

On touche ici à la biographie de l'écrivain qu’il a souvent transposée dans ses romans. Son père, un étudiant en médecine juif marocain, est rejeté par sa famille. Il ne le rencontrera qu'à l'âge de dix-sept ans et mettra encore longtemps pour vraiment le connaître (cf Questions à mon père). À dix ans, sa mère se marie avec Michel, qui l'adopte, lui donne son nom et son affection (cf L’homme qui m’aimait tout bas).

       

Éric part pour Nice où il est né en 1960, sur les traces de sa mère pour reconstituer son parcours. Il découvre une très jeune femme qui s'est heurtée au diktat familial de la grand-mère. Enceinte, Lina est contrainte de se cacher aux alentours de Nice, car « sa mère ne voulait pas voir la honte grossir chez elle. »  Puis le nouveau-né est placé en nourrice, séparé de Lina pour plusieurs mois.

Il se balade dans la ville et fait des rencontres qui l’aident à se rapprocher d’elle. Son enquête lui donne une autre vision de sa mère qu'il appelle désormais « petite maman ». Peu à peu, il découvre très ému, son histoire et veut aller vers des relations apaisées entre une mère et son fils qui vont enfin pouvoir « réparer leurs débuts manqués et renaître l’un à l’autre. »

     
Après le 1hebdo, les 2 revues d'Éric Fottorino : América et Zadig

Comme l'écrit Le Temps, « Éric Fottorino est un écrivain-soignant. [...]  Il a salué Michel, son père adoptif, suicidé d’une balle dans la tête, dans L’homme qui m’aimait tout bas. Il a célébré Moshé Maman, son père naturel, dans Le marcheur de FèsCes portraits étaient des boussoles sur la mappemonde des reconnaissances, une façon de tracer la voie quand tout s’embrouille. »
Et puis, il y avait aussi Lina, « cette trop craquante échappée du Blé en herbe de Colette… »

Éric Fottorino : Le marcheur de Fès

Éric prête ses jambes à son père adoptif qui voudrait une dernière revoir la ville de Fès au Maroc où il a laissé ses souvenirs de jeunesse. Aujourd’hui, il vit entre Barcelone et Muret près de Toulouse mais ne peut plus guère se déplacer.

Ce « pèlerinage », c’est donc Éric qui va le faire pour lui. Il va hanter les lieux de sa jeunesse même si tout a bien changé depuis. Des souvenirs confrontés à la réalité. Mais Éric n’a pas de souvenirs là-bas, il n’a que la réalité qu’il décrit. D’abord le Mellah où il n’y a plus de juifs maintenant, où Moshe-Moïse le fassi est devenu Maurice le français. Comme tous les siens. « Je suis l'itinéraire de cette envie de France » conclut-il.

C’est toute la famille qu’il découvre ainsi, la présence insidieuse de son père Mardochée, de son grand-père Yahia le berbère, qui épousa jadis la nièce du grand Rabbin.

C’est aussi des lieux où ses ancêtres ont vécu, les souks, ces quartiers mystérieux comme  la Karaouine ou les Mérinides, ces lieux plus intimes comme la rue où son père vendait du charbon, le cinéma l’Empire ou leur premier appartement dans la ville européenne.

Éric furète, curieux, interrogeant le silence de leur vie. « C'est l'histoire d'un juif du Maroc qui dans l'exil n'a cessé ni d'être juif, ni d'être marocain ».

Notes et références
[1] « J'ai détesté écrire ce livre, affirme Eric Fottorino, c'était trop douloureux. Pendant des années, j'ai pensé qu'il n'existerait pas. Car je savais que j'allais traverser une douleur qui était celle de ma mère jeune fille et que, sur cette douleur, je n'avais plus de prise. »
Cette histoire intime et douloureuse a ainsi résisté à la plume de l'auteur. Une dizaine de versions successives et quatre ans de travail ont été nécessaires avant que le livre ne soit prêt à la publication. (RTS Info)

Voir aussi :
* Les écrivains et journalistes Jean Daniel, Roger Vailland --

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