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Frachet
13 avril 2019

Jean-Christophe Rufin, Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla

Référence : Jean-Christophe Rufin, Les sept mariages d’Edgar et Ludmilla, éditions Gallimard, mars 2019

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Un roman aux relents autobiographiques puisque Jean-Christophe Rufin s’est lui-même remarié deux fois avec la même femme. [1] Là, il en rajoute… sept fois pour Edgar et Ludmilla [2], ça devient de l’acharnement. À chaque fois, c’est à peu près le même scénario, l'éloignement, l’incompréhension, et puis inéluctablement la séparation et le divorce.

Certes ils sont très différents, lui  est un aventurier sympa quelque peu escroc sur les bords, elle est une ukrainienne exilée devenue  une cantatrice reconnue qui se produit dans les grandes salles du monde. Ce qui, il est vrai, ne facilite pas l’intimité. Alors, ils ont compris qu’il fallait faire autrement.

           

Leur rencontre improbable a lieu pendant un reportage d'Edgar dans ce pays très fermé qui goûte peu les rares visites d’étrangers qui sont "largement encadrées", sera pour eux une rupture, comme écrit l’auteur, elle met un terme à « une vie qu'ils ne vivraient jamais plus : celle pendant laquelle ils ne s'étaient pas connus. »

Leur histoire se déroule sur la seconde moitié du 20e siècle, c'est-à-dire d'une situation très difficile correspondant à la reconstruction, puis à l'embellie des Trente Glorieuses, avant de virer dans les crises à répétition qui ont commencé en 1974. Ils vont en quelque sorte épouser leur époque, chaque phase étant vécue comme un échec de leur couple. Pourtant ce sera aussi l'occasion de dépasser les crises conjoncturelles et de renforcer leur amour.

   Rufin chez lui en Haute-Savoie

Pour l'auteur, « le mariage est quelque chose de trop sérieux pour le confier à des jeunes gens. Ce devrait être... un but à atteindre, l'idéal. Pour y parvenir, il faudrait toutes les ressources de la maturité, toutes les leçons de l'expérience et le temps surtout, le temps pour rencontrer la bonne personne et la reconnaître… »

Pour comprendre le fonctionnement de ce couple, il fallait les suivre pas à pas, de Russie jusqu'en Amérique, du Maroc à l'Afrique du Sud, scruter à la loupe leur biographie, traquer leurs relations jusqu’aux années 2000. Jean-Christophe Rufin dit que  « je suis le seul à avoir recueilli leurs confidences, au point de savoir à peu près tout sur eux. Parfois, je me demande même s'ils existeraient sans moi. »

         

Extrait d'une interview de Jean-Christophe Rufin :

« Alors qu’on impute la fragilité du couple à l’allongement de la durée de la vie, mes personnages misent sur cette même durée pour le sauver. Le temps long favorise les ruptures mais aussi les retrouvailles. On peut se remarier, dans les livres et dans la vraie vie ! Se perdre pour mieux se retrouver, voilà peut-être la vraie façon de s’aimer.Un pacte sans cesse renouvelé ?

J’essaie de dépasser la vision binaire du couple : soit fusionnel, soit déchiré. Trop d’entre nous se séparent définitivement faute d’avoir résolu cette contradiction. Dans Le guépard, le prince Salina dit : "Le mariage, six mois de feu, trente ans de cendres." C’est terrible ! Edgar et Ludmilla ne se résignent pas à vivre un amour de basse intensité. Ils maintiennent l’exigence de la flamme. Les épreuves n’entament pas leur réserve de joie…

Beaucoup de héros de romans contemporains sont désespérés et désespérants. Comme si hors du malheur il n’y avait pas de littérature sérieuse. Enfant, j’adorais Alexandre Dumas mais ses héros solaires n’avaient pas droit de cité dans le Lagarde et Michard. Moi qui suis venu à la littérature par la médecine, j’ai toujours recherché la lumière dans les livres... »

Notes et références
[1] J’ai lu que Jean-Christophe Rufin s’était inspiré pour ses personnages de Bernard Tapie et de Maria Callas (Ludmilla est cantatrice). Il n’en demeure pas moins que la première femme de l’auteur était d’origine russe et qu’il a épousé 3 fois Azeb, une "exilée", une érythréenne rencontrée en Éthiopie.
[2]Le chiffre sept est un symbole fort, image de la totalité, de la perfection dans un cycle complet, la fusion des contraires et la représentation du dualisme. Pour eux, le long chemin vers la maturation.

Voir mes fiches sur Jean-Christophe Rufin --

<< Christian Broussas – JC Rufin - 13/04/2019 < • © cjb © • >>

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