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Frachet
20 février 2013

Daniel Dessert, L'argent du sel

Référence : Daniel Dessert, "L'argent du sel", le sel de l'argent, éditions Fayard, 2012, isbn 978-2-213-66276-3 

    

Introduction

Pression fiscale, thème qui balaie l'Histoire de France et génère ponctuellement des révoltes comme les célèbres jacqueries de l'Ancien régime.  Le 17ème siècle n'en est pas exempt , témoins la révolte des croquants en 1636-37 dans l'Angoumois et le Périgord, des va-nus-pieds dans la Normandie en 1639, les émotions rurales dans le Centre et le Sud-ouest en 1643-44, le temps de La Fronde entre 1648 et 1652 ou les émeutes de 1655-56 qui se prolongent en 1659 jusqu'en Provence.

On pourrait encore citer, toujours au cours de cette époque, celle des Lustucrus dans le Nord en 1662 qui s'étend l'année suivante au Berry et au Béarn, toujours motivées par la pression fiscale qui a tendance à s'aggraver, la maltôte, ces  impôts extraordinaires qui ont tendance à devenir ordinaires, et surtout les diverses formes de gabelles, impôt sur le sel, denrée grevée par des taxes exorbitantes.

Pour pourvoir à la soif de liquidités de l'État, surtout dans un temps traversé par les guerres quasiment continues, que ce soit la guerre de trente ans (1618-1648), les deux Frondes (1648-1653) et la guerre avec l'Espagne qui se termine par le traité des Pyrénées en 1659, les financiers drainent des masses considérables de numéraire et empruntent à des officiers (les possesseurs d'offices, représentant 68% de l'ensemble des prêteurs), voire à la noblesse et la haute aristocratie.  Le plus souvent, ils restent anonymes, passant par des hommes de paille. Des inconnus, des "bourgeois de Paris" comme on les nomme pudiquement dans les contrats, dissimulant parfois de grands noms comme Michel Le Tellier ou Monsieur le Prince. C'est par exemple le cas d'un certain Blaise Abeille qui place 100.000 livres que sa condition ne justifie en rien, au nom d'un bailleur anonyme dont le nom n'apparaît sur aucun contrat.

    

L'argent du sel : le cas Claude Charlot

Ce simple bourgeois parisien venu de Tarascon va devenir en quelques années l'un des principaux financiers du pays, couronné en 1628 -sous couvert de son prête-nom Thomas Guyot- par l'octroi de la Ferme générale des gabelles de France. Rapidement, il assure la gestion d'activités militaires et logistiques -ce qui lui permet de côtoyer des gens d'influence- et administre les biens du prince Henri II d'Orléans-Longueville, exerçant ensuite en son nom le gouvernement de Picardie. Il se marie dans son milieu en 1619, augmentant ainsi sa sphère d'influence et de futurs partenaires, avec Anne Aymeret, fille d'un maître des comptes, une flatteuse  "alliance de la robe".

Toujours à la recherche de partenaires, il collecte toujours plus de fonds,  -plusieurs centaines de milliers de livres en quelques années- nantis par ses activités de promoteur immobilier.  Il enchaîne très vite la gestion d'offices, Trente cinq sols de Brouage, Ferme générale des gabelles du Lyonnais, et jusqu'à la Ferme générale de France en 1628.

A partir de 1624, il atteint son apogée, utilisant l'habituelle "savonnette à vilain", acquérant le duché de Fronsac et le marquisat de Longny. L'arrivée au pouvoir de Richelieu entraîne la chute du surintendant La Vieuville et de son beau-père, le financier Vincent Bouhier, sieur de Beaumarchais. L'affaire Fouquet n'a donc rien eu d'exceptionnel, les surintendants des finances servant à l'occasion à redorer le blason de l'État et à récupérer facilement de l'argent. (Philippe IV avec la liquidation des Templiers fait figure de précurseur) Mais le pouvoir a aussi besoin de la surface financière de Claude Charlot et la redoutable Chambre de justice, malgré un lourd dossier à charges, va largement l'absoudre ainsi que son alter ego Antoine Feydeau. Il faut également remarquer qu'ls bénéficient tous deux de protections au sein même de la famille royale, la reine mère en particulier pour Claude Charlot, qui parallèlement participe aux activités maritimes du Cardinal.

Seulement, Claude Charlot éprouve de plus en plus de difficultés à réunir des fonds, manque de diligence de ses bailleurs, et son concurrent Thomas  Bonneau dénonce ses carences. La suprématie de Richelieu après la Journée des Dupes aggrave encore ses difficultés -le vent semble avoir tourné pour lui et ses alliés-  ses protecteurs ne se bousculent pas à sa porte et il devra passer la main, sauvant ce qu'il peut de son empire financier.

Gabelle et société

La surface financière des fermiers et des bailleurs de fonds reflète leur situation clanique. Il s'agit donc de réseaux socialement très homogènes, microcosme à la fois concentré dans la finance et ramifié en familles, alliés et obligés, « trame du capitalisme de la France d'ancien régime. »

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 <<<<<< Christian Broussas – Feyzin, 20 février 2013 - © • cjb • © >>>>>>>
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