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Frachet
31 décembre 2018

Michel Onfray , Le deuil de la mélancolie

Référence : Michel Onfray , "Le deuil de la mélancolie", éditions Robert Laffont, 128 pages, 2018 

Nous voilà de nouveau replongés dans l’apax existentiel, ce concept que Michel Onfray avait repris de Vladimir Jankélévitch pour définir un événement unique qui modifie la vision que l’individu peut avoir de son environnement et de lui-même, « l'occurrence qui ne se produit qu'une seule fois » et qu’il va transposer dans ses écrits sous forme de métaphore.

 C’est ainsi que beaucoup de ses livres débutent par une référence autobiographique, le cancer de sa femme dans Féeries anatomiques, son voyage en Mauritanie dans son Traité d'athéologie, son parcours littéraire dans Le Crépuscule d'une idole, la mort de son père dans Cosmos… qui illustrent le fait que finalement toute pensée naît de l'expérience d'un corps.

              

Cette fois, c’est un grave accident vasculaire cérébral qui le cloue au lit en janvier 2018, une nouvelle confrontation avec la maladie et la mort. [1] Il en réchappe sans gros dégâts après un épisode dramatique quand à l’hôpital les médecins perdront un temps précieux en diagnostics imprécis ou erronés. Quelle chance, remarque-t-il, d’être un homme connu à qui à droit à certains égards et dont on s’occupe en priorité. Sinon...

Médecine à deux vitesses dont il dénonce l’iniquité et la morgue de certains médecins incapables de se remettre en cause. Conséquences aussi où l’on voit vraiment les amis sur lesquels on peut compter.

    

C’est aussi pour lui le moment d’évoquer d’autres expériences essentielles de la mort : son infarctus à l'âge de 27 ans, la disparition de sa femme Marie-Claude et de son père, la souffrance qui reste, qui a du mal à s’exprimer, la fuite dans le travail et l’hyper activité.
 
Le deuil de la mélancolie, c'est justement cette capacité à savoir comment vivre après. Et c’est aussi se sentir plus près de l’humain, car « vivre n'est pas prendre soin de soi, ce qui est une affaire d'infirmerie ou d'hospice et relève d'une morale de dispensaire : vivre c'est prendre soin de ceux qu'on aime... »

C’est aussi vivre avec la présence de Marie-Claude, colloque singulier avec la disparue terrassée par un cancer, en étant « à la hauteur de ce qu'elle fut… » Il parle avec pudeur de ces deux êtres disparus dont il ressent douloureusement l’absence : « J'avais eu mon père comme premier modèle d'héroïsme simple et réservé ; j'ai eu Marie-Claude comme second modèle pendant presque 37 ans. C'est déjà une grande chance, une immense chance. Merci pour ce cadeau. Je te suivrai un temps, mais l'éternité du néant nous réunira ».

         

Il garde au cœur cette citation d'Euripide dans Électre qui ne le quitte guère : « réjouissons-nous de vivre heureux, sans subir les coups du destin, c'est tout ce que nous pouvons espérer, nous pauvres mortels... » C'est sans doute toute la philosophie de ce titre "Le deuil de la mélancolie", qui peut paraître de prime abord assez sibyllin mais qui en fait développe une optimisme envers et contre tout, même dans les moments les plus dramatiques de la vie.

       

[1] Malgré la maladie, sa soif d'écrire n'a pas tari : il a récemment publié "Sagesse" le troisième volet de sa "Brève encyclopédie du monde", après Cosmos et Décadence, où il s'agit de savoir comment se comporter dans une civilisation qui menace de s'effondrer. Peut-être bien en lisant les auteurs romains... 

Voir aussi mon Site Michel Onfray --

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