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Frachet
29 octobre 2018

Le violoncelle des tranchées

Emmanuelle Bertrand et "Le Poilu"

L’histoire de ce violoncelle atypique est si singulière qu’il trône maintenant dans le Centre nationale de la musique situé à Paris dans le quartier de La Villette (19 ème arrondissement).

Il a une allure très curieuse ce violoncelle, aux formes plutôt anguleuses… et pour cause, il a été fabriqué avec les moyens du bord, des restes de caisses de munitions allemandes, des bouts de porte et des clous…

        
Le violoncelle "Le poilu"         Maurice Maréchal             Inscription due à Foch, Pétain...

Maurice Maréchal, âgé alors de 22 ans et incorporé au début de la Grande Guerre, est déjà un violoncelliste connu.  Sur le front, la musique lui manque tant que deux copains menuisiers du 274ème régiment d’infanterie décident de lui confectionner un instrument.

L'entreprise semble aléatoire mais miracle, malgré son aspect rudimentaire, malgré son manque de puissance, l’instrument sonne juste… un son agréable, grave et chaleureux qui conquit le violoncelliste. L’instrument suivra Maurice Maréchal tout au long de la guerre, [1] trimballé dans un fourgon de ravitaillement, parfois planqué entre des quartiers de bœuf, parfois recouvert de boîtes de conserve. Entre les combats, le musicien joue pour ses camarades, moments rares pour oublier un moment la guerre. [2]

         
 M. Maréchal & L. Durossoir      E. Bertrand & P. Amoyel                 Emmanuelle Bertrand

La pratique de ces concerts improvisés se répand dans les régiments au point qu’elle finit par arriver aux oreilles des officiers de l’État major curieux de profiter eux aussi de ces "impromptus musicaux", séduits même puisqu’ils iront jusqu’à apposer leur signature sur l’instrument si singulier.

Maurice Maréchal et son violoncelle surnommé "Le poilu" ont miraculeusement survécu à la guerre. Lui a fait ensuite une belle carrière jusque dans les années 60 [3] et son instrument, devenu trop fragile, a pris une retraite bien méritée au musée de la musique.

           
  Emmanuelle Bertrand & Pascal Amoyel       
  Jean-Louis Prochasson travaillant sur le
nouveau "Poilu"

Depuis 2007, la violoncelliste Emmanuelle Bertrand s’intéresse beaucoup à cet instrument qu’elle appelle son "grand-père de violoncelle" et dont elle a fait réaliser une fidèle copie par son luthier Jean-Louis Prochasson.

Depuis 2011, Emmanuelle Bertrand a fait résonner le son du nouveau "Poilu" dans des concert-lectures, "Le violoncelle de guerre",  en interprétant des musiques de Bach, Britten, Henze, Amoyel, DurosoirDebussy... accompagnant des textes tirés des carnets de guerre de Maurice Maréchal [4] lus par des acteurs comme Didier Sandre, François Marthouret ou Christophe Malavoy. « C’est le point d’orgue de toute notre aventure » a confié ce dernier en évoquant le spectacle donné à Verdun

  
Emmanuelle Bertrand avec Christophe Malavoy et François Marthouret

Dans la mise en scène du "Violoncelle de guerre", Emmanuelle Bertrand s’est efforcée de rechercher une osmose entre texte et musique, par exemple explique-t-elle, « certaines pièces de Benjamin Britten s’adaptent très bien aux moments de course dans les tranchées. Maréchal s’enfonce dans les boyaux, il trébuche sur des cadavres, il panique, il veut rejoindre son "gourbi". Cela donne un sens très concret à la musique et, dans l’autre sens, cela permet d’aider le public qui n’est pas forcément rompu à ce type de répertoire. »

   

Notes et références
[1] Au fil des combats, il s'est retrouvé successivement au Chemin des Dames, à Neuville-Saint-Vaast, à Haudremont, aux Eparges et jusqu'à Verdun.
[2] Un documentaire de 52 minutes signé Christian Leblé et intitulé "Le violoncelle des tranchées" raconte l'histoire de Maurice Maréchal et de son instrument, présenté en particulier le 11 novembre à Lunéville.
[3]
Maurice Maréchal fut en particulier  professeur au Conservatoire de Paris et membre de jurys des concours internationaux.

[4] Maurice Maréchal a écrit 9 carnets jusqu’en février 1919. Voir aussi sa correspondance : Maurice Maréchal, Lucien Durosoir, Deux musiciens dans la Grande Guerre, éditionsTallandier, 2005

Voir aussi
* Vidéo : Casals, Le chant des oiseaux par Emmanuelle Bertrand –
* Le violoncelle des tranchées, courte vidéo réalisée par Culture Box

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