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Frachet
19 septembre 2018

Le Tintoret, 500e anniversaire

Le Tintoret (1518-1594)  "Le trublion de Venise"

                      
   Autoportraits :  1547 (Philadelphie)          1588                                  Sa maison à Venise        

Le Tintoret
, [1] dont on célèbre le 500e anniversaire de sa naissance, est un véritable « Shakespeare de la peinture » selon l’historien Paul Veyne, un artiste qui nous a légué une œuvre originale et fort osée dans sa recherche de nouveauté.

On le disait (à juste titre) fougueux et insatiable, arrivant à s’imposer dans la tumultueuse Venise de la Renaissance.

                                    
Tête de Julien de Médicis 1540 Adélaïde            Jésus au lac de Tibériade

Sa chance est sans doute d’être né dans la Venise du XVIe siècle, le Cinquecento. Venise, La Sérénissime République vit alors son apogée, un véritable Âge d'or. Elle compense en quelque sorte son déclin maritime par un foisonnement artistique sans précédent.

La ville fleurit de nombreuses demeures toujours plus richement décorées où on donne de magnifiques spectacles et de fastueux festins. La place Saint-Marc est mise en valeur tandis que le Rialto s'embellit d'un élégant pont couvert. C’est une lutte constante pour rivaliser avec ses concurrentes, Florence, Milan et Rome.


                         Le paradis, musée du Louvre, 1588

Les élites de la ville, les mécènes, doges, aristocrates et scuole[2] s'attachent les talents les plus fameux pour faire briller la Sérénissime face aux autres grandes cités italiennes. Il faut aussi préciser que Venise possède une longue tradition picturale depuis l'époque des frères Bellini et de Carpaccio et au XVe siècle avec Le Tintoret, Le Titien et Véronèse. Chez eux, le dessin n’est plus l’essentiel, la prééminence est à la couleur, à la lumière et à une certaine sensualité.

   
La gloire du paradis (détail), 1588                     La naissance de Jean-Baptiste 1554

C’est la première fois que des peintres délaissent les sujets religieux ou relevant de l’antiquité au profit d’un certain réalisme qui cherche plutôt à s'incarner dans la nature et la sensation qui ressent le peintre face à son sujet. Dans son Voyage en Italie publié en 1866, Hippolyte Taine le formalise ainsi : « Devant leurs tableaux on n’a pas envie d’analyser et de raisonner ; si on le fait, c’est par force. Les yeux jouissent, voilà tout ».

        

Deucalion et Pyrrah priant devant la statue de la déesse Thémis 1542 (Modène)
Susanna (détail) -- Jupiter et Sémélé 1542 (Modène)

Sa famille occupe à Venise une position assez élevée, ce qui explique le placement du Tintoret vers l’âge de 12 ans, dans l’atelier du Titien.
Mais le jeune homme avait peut-être fait des copies de « l'ennemi » Michel-Ange, toujours est-il qu’il fut renvoyé sur le champ et dès lors une rivalité sans merci opposa les deux hommes incitant Le Tintoret à se surpasser.
Il passe son temps à se perfectionner auprès de peintres reconnus comme Bonifacio de Pitati ou Andrea Schiavone mais aussi avec des artistes plus obscures. Puis il devient « maître peintre », s’installant dans le quartier San Polo, vers le Grand Canal, où il place dans son atelier cette fière inscription : « le dessin de Michel-Ange et la couleur de Titien ».

               
Le miracle de Saint-Marc 1548 (Venise)            Idem, détail du motif central

C’est la réalisation de représentations des Métamorphoses d'Ovide qui va vraiment faire sa renommée. Les histoires de Jupiter et Sémélé ou encore de Deucalion et Pyrrha lui permettent de jouer avec la perspective dans des "contre-plongées" novatrices qui masquent parfois le visage des personnages.
En 1547, il prend le marché des Cènes, thème porteur car les confréries du Saint-Sacrement aiment se refaire le dernier repas du Christ.


"La dernière cène", Paris église St François Xavier

Après l'incendie du Palais des Doges en 1577, il y eut un concours ouvert pour créer une toile représentant le Paradis, que remporta finalement Le Tintoret et qu’il réalisa avec le concours de son atelier et de son fils .

On peut apprécier l’évolution de la peinture à un siècle d’écart en comparant les deux tableaux représentant La Cène peints par Léonard de Vinci  en 1495-1498 et Le Tintoret en 1592-1594. Globalement, on peut constater que Vinci reste très classique, les disciples sont disposés symétriquement autour du Christ, le style reste linéaire avec des couleurs plutôt pastels et une lumière diffuse.

     
Portrait de Véronica Franco 1555                     L’été 1555

Au contraire, Le Tintoret traite le sujet comme une dramaturgie avec des personnages écrasés par des anges fantomatiques, en utilisant des clairs-obscurs d’ombre et de lumière blafarde, la scène est représentée à travers une oblique qui étire le plan, l'image donnant l’impression d’être plutôt translucide, moins nette.
Certains ont vu dans cette technique nouvelle les prémices de l’art baroque.

       
L’origine de la voie lactée 1570                                          La crucifixion

Notes et références
[1]
Son père Battista Robusti était teinturier, tintore en italien, ce qui valut à son fils Jacopo le surnom de Tintoretto, « le petit teinturier ».
[2]
Les scuole étaient des espèces de confréries composées de laïcs et structurées en corporations

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