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Frachet
5 août 2018

Patrick Modiano, Livret de famille

Référence : Patrick Modiano, "Livret de famille", éditions Gallimard, réédition Hachette, 179 pages, 1977

                         
Modiano à Stockholm en 2014

« Vivre, c’est s’obstiner à achever un souvenir. » René Char

Pour Patrick Modiano, les souvenirs vont remonter à l’occasion de la naissance de sa fille Zénaïde. Elle aura un livret de famille transparent, une filiation sans problème, sans zones d’ombre. Ce n’est pas comme ses parents qui se sont mariés pendant la guerre, il ne sait d’ailleurs pas trop où, sous des noms d’emprunt.
Sa mère, belge d’Anvers, commence une carrière d’actrice qui sera vite interrompue le jour où, convoquée à Bruxelles pour tourner un nouveau film pour les Openfeld, les troupes allemandes envahissent la Belgique e 1940. Une carrière qui tourne court pour l’instant pour fait de guerre.

 Il se souvient de ces gens qui ont traversé sa vie à un moment ou à un autre, cet Henri Marignan qui voulait absolument l’emmener en Chine, ces gens avec qui l’avait laissé son père, reparti à Paris pour faire des affaires sans doute pas très nettes. Des gens réunissant arrivistes et aristos qui vivent sur un grand pied, château, chasse à courre. D’abord Henri Reynolde, relation d’affaires de son père, et sa femme Maguy, Jean-Gérard (de quelque chose), les Landry, le comte Angèle de Chevert et "oncle Michel" comme l’appelle Jean-Gérard, un duc paraît-il, le propriétaire de château.

                    

Patrick Modiano revient sur ses débuts comme scénariste dans Capitaine mer du sud, un film qui n’a pas laissé un grand souvenir. Tournage rapide mais tous frais payés à Port-Cros avec un metteur en scène pas vraiment convaincu et des acteurs principaux plutôt en fin de carrière. Rien de bien glorieux mais belle opportunité pour un jeune écrivain inconnu.

« Oui, il y a de bien étranges coïncidences » écrit-il page 110, quand les souvenirs le poursuivent. À Biarritz, il renoue avec son passé, retrouve l’avenue de la république et en repart muni d’un précieux document : son certificat de baptême ! 

À Lausanne en Suisse, où il est enseignant et sort souvent avec ses amis Muzzli et "papou" Badrawi, rencontre par hasard Henri Séroka, un ami perdu de vue depuis longtemps mais surtout il est sûr que ce Robert Gerbauld, un animateur de la radio Genève-Variétés, n’est autre que le collabo D. qui sévir rue Greffulhe et a faillit arrêter son père en mars 1942.

D’autres personnages vont traverser sa mémoire comme celui qu’on appelait Le Gros, l’ex roi Farouk d’Égypte qui n’a pas supporté sa déchéance, l’oncle Alex qui veut absolument acheter un "vieux moulin de pierre" bien français dans la campagne française, qui devait en réalité s’appeler Gregory Ratoff mais se faisait appeler François Aubert, cet homme Harry Dressel dont à la demande de sa fille, il va tenter de reconstituer la vie… pour cela, pensait-il, « il suffirait de rêver sur les deux ou trois éléments dont je disposais, et je parviendrais à reconstituer le reste, comme l’archéologue qui, en présence d’une statue aux trois-quarts mutilée, le recompose intégralement dans sa tête. » ce qu’il fera avant que la fille n’aille filer le parfait amour avec son richissime argentin.

Il évoque aussi des moments de bonheur juste avant son mariage en 1963 dans la famille de sa future femme en Tunisie, un Orient qui lui laissera toujours une grande nostalgie ou l’appartement de sa jeunesse quai Conti dont il apprend un jour qu’il est à louer. Il décide de s’y rendre pour fureter, retrouver le décor de son enfance pour mieux y replonger. Il repense à ses parents, la façon dont ils se sont connus dans le Paris de la guerre, leur première rencontre rue Scheffer, le départ chez un ami où ils laisseront passer l’heure du couvre-feu puis le restaurant russe rue Faustin-Hélie où ils se retrouvaient souvent. 

Et tout lui revient. « Je me souviens de tout, écrit-il. Je décolle les affiches placardées par couches successives depuis 50 ans pour retrouver les lambeaux des plus anciennes. » Mais constate-t-il aussitôt, parlant de sa petite fille, « elle n’avait pas encore de mémoire. »

    Modiano à l’époque du Goncourt

Liste de mes articles sur Patrick Modiano :
* Patrick Modiano, biographie -- Quartier perduLivret de famille --
*
L'horizon  --  L'herbe des nuits  -- Dora Bruder -- Un pedigree --   

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