La Résistance à Lyon
L'action de la Résistance à Lyon (1942-1944)
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Les faits de résistance à Lyon, dans celle qu'on a appelé "la capitale de la Résistance" sont nombreux et en voici deux qui paraissent assez symptomatiques, représentatifs de l'état d'esprit d'alors à Lyon pour être cités en exemple.
Manifestation contre le STO en 1943
Octobre 1942 à Lyon : « Pas un homme en Allemagne ! »
Ce sont les cheminots lyonnais des ateliers d’Oullins, petits villes de la banlieue sud, qui poussent ce cri de révolte contre une situation qu'ils ne peuvent plus supporter et qui ont eu le courage le 13 octobre 1942 de provoquer une grève en pleine guerre pour refuser toutes nouvelles réquisitions pour faire partir partir les travailleurs français contre leur volontés dans les entreprises de guerre allemandes.
Action qui va dépasser leur espérances puisque le mouvement s’étend rapidement dans toute la région et que les formes de résistance se sentent désormais plus solidaires, résistances ouvrière et militaire luttant ensemble à partir de ce mois d'octobre lyonnais qui eut sa part, une part importante dans la lutte contre l’Allemagne nazie et la France collaboratrice.
Un tric en pleine guerre, qui aurait seulement osé caresser l'idée quelques semaines auparavant ! Il en a fallu du courage à ces cheminots pour s'opposer aux lois scélérates de Vichy qui bien sûr s'était empressé de supprimer le droit de grève. Ils ont le courage tranquille du cheminot Madru dans le roman de Roger Vailland Un jeune homme seul. [1]
Oui, c’est un grand courage pour ces ouvriers cheminots des ateliers d’Oullins que d’avoir osé faire le tric en temps de guerre, d’avoir osé s’opposer aux lois sévères du régime de Vichy, qui de plus l’interdisait, en stoppant le travail et en manifestant.
FFI libérant Lyon
De cette grève à Oullins, nulle trace n'apparaît dans les journaux, qui s'autocensuraient ou étaient aux ordres de Vichy. Mais les réseaux agissent, les gaullistes de Londres sont au courant, les cheminots des ateliers ferroviaires d’Oullins passent l'information à la Résistance et à ses porte-parole : les journaux clandestins Combat, Libération, Franc-Tireurs, Coq Enchaîné... La colère gronde chez les ouvriers ulcérés par toutes les règlementations imposées par le pouvoir en place aux ordres des nazis.
En mai 1942, les trains participant à « l’effort de guerre » deviennent prioritaires, puis on interdit de parler de "déportation". [2] En juin, c'est "la relève" avec l'accord Laval-Saucke, l'échange de volontaires français allant travailler en Allemagne dans les industries de guerre contre la libération de prisonniers de guerre, la police française apportant leur aide aux rafles des juifs. Le 4 septembre 1942, la colère est à son comble aux ateliers d’Oullins, une loi sur « l’orientation de la main-d’oeuvre » exigeant la réquisition forcée de travailleurs français en Allemagne, notamment dans les industries d’armements.
Fresque de Montluc, Lyon (Jean Moulin)
Un faux journal « Le Nouvelliste », encore un coup d’éclat de la Résistance à Lyon
Le 31 décembre 1943, un faux numéro du journal Le Nouvelliste, tiré à 30.000 exemplaires, est distribué dans les kiosques et chez les marchands de journaux lyonnais par la Résistance lyonnaise. Cette action n'a pas l'ampleur de celle d'Oyonnax et du colonel Romans Petit [3] mais elle aura aussi un impact psychologique important sur la population qui peut mesurer ainsi la détermination des Résistants. C'est en fait une initiative de Résistants belges qui leur a donné cette idée, une information due au journal bruxellois Soir et relayée par la radio de Londres. C'est Charles Mohler qui suggère de viser le journal 'collabo' le Nouvelliste. [4]
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Au petit jour le 31 décembre 1943, des camionnettes censée agir pour le service de la censure et du contrôle de la presse, ont remplacé les exemplaires 'officiels' du Nouvelliste par des journaux clandestins ayant tout l'aspect de l'original bien évidemment mais d'un contenu fort édifiant pour leurs lecteurs, attaquant violemment et sans ménagement nazis et collabos. Quelque trente mille de ces journaux vont être ainsi écoulés dans plusieurs quartiers de Lyon. On pouvait y lire notamment : « Ce numéro exceptionnel du Nouvelliste a été entièrement réalisé par les Mouvements Unis de la Résistance (MUR) et mis en vente par eux malgré Gestapo et police vichyssoise, à titre de sanction contre la direction collaborationniste de ce journal. »
Le sommaire était assez édifiant :
- « Raids massifs sur l’Allemagne »
- « Les vrais terroristes, c’est la Milice »
- « Oyonnax a fêté avec enthousiasme l’anniversaire de la victoire ! »
- « Le maréchal de France, chef de l’État, rétablit la République »
- « En deux mois, 140.000 têtes de bétail ont été livrées aux Allemands par la région de Paris »
- « Comment fut préparé le débarquement des Alliés en Afrique »
- « Maquis contre boches »...
La supercherie fonctionne au-delà des espoirs des Résistants et ce remplacement par « décision de la censure » n'a pas étonné les marchands de journaux déjà échaudés par des décisions contradictoires. Quand la police réagit, il est trop tard, le mal est fait et vers les 11 heures du matin, la plupart des Lyonnais ont déjà acheté leur journal ! On sut plus tard que de grands résistants régionaux avait participé à la rédaction de ce numéro très "particulier" du Nouvelliste : Marcel Grancher, [5] Pierre Scize et sans doute aussi Eugène Pons [6] ou Yves Farge..
Un témoignage d'un 'gars' du maquis de l'Ain Jean-René Lefèvre nous en apprend un peu plus : « Pierre Scize, journaliste de Paris Soir [7] est chargé d'écrire les articles, Amy Bellot s'est occupé de la mise en page, sous la responsabilité de Philippe Boegner [8] et la direction de Henri Jaboulay, chef de l’Armée Secrète de la première région (Rhône Alpes). Quatre camionnettes de Paris Soir ont retiré des lieux de vente la véritable édition du Nouvelliste sous prétexte de ré-édition pour censure d’article. Le succès fut total, à 11 heures la milice intervient, mais les kiosques avaient déjà été dévalisés ! »
Lyon : centre de la Résistance et de la déportation
Références
[1] « Tric » est l'équivalent lyonnais du mot parisien « grève ». Le grand TRIC des Imprimeurs, c’est la première grève de salariés que l'on connaisse, qui s'est déroulée à Lyon fin avril 1539. Les patrons avaient peur d'un nouveau "grand tric", surtout quand quelques années plus tard, il y eu des 'délocalisations d’imprimeries' en Allemagne, le tric en allemand, qui se dit « streik » et qui a traversé la Manche pour devenir « strike » en anglais.
[2] On doit dire désormais « envoi en travail forcé » (Verschickung zur Zwangsarbeit)
[3] Défilé du 11 novembre à Oyonnax, en pleine période d'Occupation, organisé avec les maquisards locaux.
[4] Depuis le sabordage du « Progrès » de Lyon, ne subsiste qu'un seul quotidien lyonnais : « Le Nouvelliste ».
[5] Marcel Grancher : écrivain lyonnais connu pour avoir stigmatisé la bêtise militaire dans son livre 5e de campagne, résistant, fondateur des éditions Lugdunum
[6] Eugène Pons né en 1886, imprimeur lyonnais résistant qui imprimait dans le quartier des Terreaux (aujourd’hui, rue René Leynaud) depuis 1940 des journaux clandestins, et notamment Le Témoignage Chrétien et Libertés de François de Menthon. Il l’a payé de sa vie le 23 ou 24 février 1945 au camp de Neuengamme en déportation
[7] La rédaction de Paris Soir s’est repliée en zone libre à Lyon
[8] Philippe Boegner : journaliste, secrétaire général de Paris Soir à Lyon, et fils du pasteur Boegner
Liens
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