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Frachet
10 janvier 2013

Introduction à l'histoire locale

Aborder la notion d'histoire locale << © cjb © • >>

Quelques grandes figures de l'Ecole des Annales

    
Fernand Braudel                                           Lucien Febvre                    Georges Duby

1- L'histoire locale et l'école des Annales

L'histoire locale a longtemps été considérée avec une certaine condescendance par le cursus universitaire qui privilégiait les épopées des grands hommes ou l'analyse de la formation et de l'évolution des états, et bien sûr en particulier de la France. Conception jacobine bien compréhensible quand la notion d'état imposait sa marque de rassemblement et de cohésion sociale. Les enseignants -en particulier les instituteurs- n'étaient-ils pas considérés comme "les hussards de la République".

"Macro histoire contre micro histoire" disait alors Georges Duby dans u ne interview au mensuel Historama en mars 1982. C'est surtout dans les années soixante "L'École des Annales" qui a donné ses lettres de noblesse à l'histoire locale en la réinsérant dans l'étude de l'évolution des faits économiques et sociaux d'un pays ou même d'une civilisation comme l'a fait Fernand Braudel [1] dans son ouvrage de référence sur "La Méditerranée" [2] où il examine d'abord les structures et les modes de communication des hommes.

Dans ce contexte, l'histoire politique n'a plus le primat, en tout cas le monopole, l'importance du socio-économique irrigue toutes les strates temporelles et spatiales, ne privilégiant aucun niveau d'analyse, sans véritable hiérarchie entre histoire locale, histoire nationale et supra nationale. C'est le succès énorme et inattendu obtenu par l'ouvrage d'Emmanuel Le Roy Ladurie, Montaillou village occitan (1294-1324) publié en 1975 qui accéléra le processus d'une histoire considéré dans sa multiplicité qui possède plusieurs clés de lecture qu'il faut expliciter. Même si un homme comme Georges Duby avait ouvert la voie et commencé à répandre cette forme nouvelle d'analyse et de présentation de l'histoire, cet ouvrage fit l'effet d'électrochoc, une remise en cause de la façon dont on concevait et enseignait l'histoire, reposant sur un regain d'intérêt pour l'histoire locale vue comme révélateur d'une situation, [3] d'une mentalité plus générale et pour les publications monographiques.

Emmanuel Le Roy Ladurie y traite d'une histoire éminemment locale d'un petit village médiéval [4] confronté à l'intolérance religieuse et à l'irruption du pouvoir central dans la gouvernance de la vie locale, qui s'oppose à la mentalité de cette communauté rurale. Ainsi, l'histoire locale s'inscrit-elle dans l'étude d'une destinée historique, devenant une composante indispensable d'une analyse globale d'une société donnée prise aussi bien dans une période donnée que dans une région déterminée, une dimension spatio-temporelle défini par le champ de l'étude. Avec des historiens comme François Furet et Jacques Le Goff qui écrit que "la civilisation matérielle et la culture s'interpénètrent au sein de l'analyse socio-économique des sociétés", il n'y a plus de tabous en matière de recherche historique et l'histoire événementielle est devenue un domaine comme un autre, au même titre que l'histoire locale.

    

2- L'histoire locale et l'école de Lyon

Dans le courant initié par des hommes comme Fernand Rude ou Jacques de Maulde depuis les années soixante, l'École lyonnaise s'est fixée comme objectif de replacer l'histoire événementielle dans son contexte régional, d'étudier les interactions entre le niveau local et le niveau national, pour répondre par exemple à des questions sur la façon dont la Révolution a été reçue à Lyon au cours de ses différentes phases, les raisons de l'opposition radicale lyonnaise à la Convention et la terrible réaction de Joseph Fouché. [5] Elle s'est aussi orientée vers des recherches monographiques et des contributions à travers des ouvrages historiographiques. [5]

Elle a contribué à mettre en lumière les relations entre les strates de la population, la reproduction sociale dans tel ou tel contexte, l'évolution de l'espace urbain au fur et à mesure de l'urbanisation de l'espace occidental et de la complexité de plus en plus poussée des conurbations et métropoles urbaines. [6] L'École lyonnaise a été largement influencée par les idées de précurseurs que sont Lucien Febvre et Fernand Braudel qui écrivait à propos de son pays : "J'aime la France avec la même passion exigeante et compliquée que Jules Michelet. Mais cette passion n'interviendra guère dans les pages de cet ouvrage." (Présentation de son livre "L'identité de la France, éditions Arthaud, 1986 et Flammarion, 1990)

Dans cette optique, elle a posé comme principe préalable de prendre le recul nécessaire pour atteindre à la meilleure objectivité possible et de privilégier la consultation des archives de quelque nature qu'elles soient, des archives locales qui furent souvent peu exploitées.

   

 3- L'histoire culturelle

L'histoire culturelle fait aussi peu à peu sa place dans l’historiographie contemporaine. C'est une nouvelle dimension d'autant plus intéressante qu'elle est peu développée et qu'elle ouvre un immense champ d'étude et d'investigation. Elle aussi est au carrefour de plusieurs disciplines - historiens, sociologues, philosophes, historiens de l’art ou de la littérature- et demande de ce fait des collaborations pour établir des convergences entre spécialistes de ces disciplines.

Les pistes d'études sont d'autant plus vastes qu'elles sont peu explorées. On peut quand même citer parmi les travaux les plus récents Les frontières et leur perméabilité (l'évolution de la notion d'état), Histoire culturelle et histoire des médias, Le romantique et le Nohant de George Sand, Les Lieux de mémoire, [7] le développement de l'historiographie ou La culture populaire comme système autonome.

Pascal Ory, historien important de cette discipline, a fondé et préside l'Association pour le développement de l'histoire culturelle (ADHC). L'un de ses principaux ouvrages intitulé L'Histoire culturelle, paru aux Presses universitaires de France en 2004 traite du corps, de la nation et des mythologies contemporaines.

4- Bibliographie

  • Fernand Rude, "La révo­lu­tion de 1848 dans le dépar­te­ment de l’Isère", éditions Allier, 1949
  • Fernand Rude, "Le mou­ve­ment ouvrier à Lyon de 1827 à 1832", éditions Anthropos, 1969
  • Fernand Rude, "Les Canuts en 1789 : Doléances des maî­tres-ouvriers fabri­cants en étoffe d’or, d’argent et de soie de la ville de Lyon", éditions Fédérop, 1976
  • Fernand Rude, "Les révol­tes des Canuts 1831-1834", éditions Maspéro, 1982
  • Roman et histoire locale : Colette Laussac
  • Histoire lyonnaise : La réaction thermidorienne à Lyon et La Résistance à Lyon
  • Jacques de Maulde, Les Lyonnais dans le quartier Saint-Jean au XVe siècle, Éditions lyonnaises d'art et d'histoire, 1989
  • L'impact du social : Evolution sociologique de Lyon (La reproduction sociale à Lyon)
  • De la féodalité au gothique : Contrastes-du-moyen-Âge
  • L'urbanisme au Moyen-âge : Le Paysage urbain médiéval

5- Références

[1] - Fernand Braudel, né le 24 août 1902 à Luméville-en-Ornois (Meuse) et mort le 27 novembre 1985 à Cluses (Haute-Savoie), est l'un des représentants les plus connus de « l'École des Annales » qui s'intéresse surtout aux civilisations et aux mouvements de longue durée en opposition à l'histoire événementielle.
[2] - Voir La Méditerranée et le monde méditerranéen à l'époque de Philippe II, Paris, Armand Colin, 1949. Deuxième édition révisée, 1966 ainsi que Les mémoires de la Méditerranée, Paris, De Fallois, 1998
[3] - Voir par exemple "Navires et marchandises à l’entrée du port de Livourne (1547-1611)", de Fernand Braudel et Ruggiero Romano, Armand Colin, 1951, 127 pages ou Le Carnaval de Romans : de la Chandeleur au Mercredi des cendres (1579–1580), Gallimard, 1979 d'Emmanuel Le Roy Ladurie
[4] - Emmanuel Le Roy Ladurie s'appuie sur les registres d'inquisition de Jacques Fournier afin de retracer la vie des habitants de Montaillou en Haute-Ariège, village aquis au catharisme en utilisant l'anthropologie historique.
[5] Pour la biographie de Joseph Fouché, vous pouvez vous reporter à ma présentation comparée, à partir des biographies de Jean Tulard, de Stefan Zweig et d'André Castelot.
[5] - L'historiographie concerne la manière dont est écrite l'histoire, c'est d'abord un travail d'historiens sur la façon dont d'autres historiens ont conçu leur travail à une époque donnée.
[6] - Voir quelques exemples dans les fiches citées en bibliographie.
[7] - Sur les Lieux de mémoire, voir ma fiche consacrée à la région du Revermont, en particulier sur le chemin de mémoire et Le grand Brûle.

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